J’aurais tendance à blâmer le karma. Tout petit, chaque fois que je passais par Tadoussac, les baleines gardaient bien plus qu’un bras de distance avec les touristes. Timides, timides, timides les gros mammifères. Pas moyen de leur voir même une nageoire.
Même constat en Afrique du Sud où les éléphants avaient montré patte blanche alors que les lions se dissimulaient la crinière quelque part dans les hautes herbes. Je ne m’étais pas trompé énormément en choisissant un parc national qui faisait mention des pachydermes dans son nom : le parc des éléphants d’Addo. Pour les autres animaux du « big five », il faudrait toutefois repasser.
N’empêche, en ce qui concerne les félins, il n’y a rien pour me friser la moustache. Pas de lions à Addo. Pas plus que des léopards dans le parc national de Wilpattu au Sri Lanka. Vous me direz que le tonitruant toussotement de notre 4 X 4 a probablement mis la puce à l’oreille même des bestioles les plus bêtes. Vrai. C’est un peu comme jouer à la cachette en criant : « J’arriiiiiiive! » On se demande qui peut bien se laisser prendre.
Bref, pas de léopards à Wilpattu. Pas de léopards dans un autre parc national du Sri Lanka non plus, deux, quatre, six jours plus tard, à Uda Walawe.
C’est au large de Montanita, en Équateur, que j’ai aperçu mes premières baleines. Quelques sauts, de grandes éclaboussures, et ça y’était. Puis, plus rien. C’était quand même un très bon départ.
Quand l’occasion s’est présentée de les observer de nouveau, au large de La Cruz de Huanacaxtle, dans l’État de Nayarit au Mexique, j’ai embrassé l’idée. Là, pas de tergiversations, pas de doutes : il n’a fallu qu’une dizaine de minutes avant de voir paraître les premières baleines à bosses, en pleine saison de reproduction.
Ce jour-là, c’est avec Punta Mita Expeditions, une compagnie offrant des expériences marines, dont l’observation de dauphins et de baleines, que je me suis aventuré dans la baie de Banderas. Pendant deux heures, nous avons cassé les vagues pour une observation à distance.
Après avoir passé quelques bateaux de pêcheurs et abandonné une flopée de pélicans derrière, un aileron a point. Après deux ou trois inspirations, la bête a plongé en tapant la surface de sa queue. J’avais quatre ans. J’oubliais que j’étais entouré d’autres excursionnistes. J’en redemandais en attendant impatiemment une prochaine apparition.
Ces mammifères arrivaient de l’Alaska. Ils sont plus faciles à voir au Mexique entre décembre et mars. À cette période de l’année, jusqu’à cinq ou six mâles peuvent suivent la même femelle et se battre entre eux pour son attention. On les voit donc en groupe, souvent près de la surface, à se chamailler. Dès qu’une baleine s’approche du bateau, il faut éteindre le moteur pour éviter d’importuner l’animal.
Par ailleurs, quand les petits arrivent, après une gestation de presque une année complète, les mères restent à proximité des berges. Elles sont donc faciles à repérer.
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Ce jour-là, nous n’étions qu’une dizaine sur le bateau. Bien moins que les quelque 30, même 40 touristes entassés dans des embarcations énormes où ils n’ont pas le loisir de bouger. Pour moi, la possibilité de m’avancer, de jeter un regard par-dessus bord à gauche, puis à droite, sans devoir me battre avec des hordes de photographes amateurs, a fait toute la différence.
Avouons-le, l’envie est grande de pointer l’appareil photo vers les fliques-flaques jusqu’à ce qu’un nuage de gouttelettes annonce l’arrivée de maman baleine. Je rêvais de ce cliché trop typique montrant la queue d’une baleine avec, en arrière-plan, l’étendue de la mer et des montagnes colorées. La vérité, c’est que la houle et la vitesse de déplacement des animaux rendent toute séance amateur de photos presque inutiles. On aura beaucoup de flou et on manquera forcément le spectacle à trop essayer de bien orienter la lentille.
J’ai plutôt décidé de regarder, de prendre la mesure de ces immenses animaux sans me presser. À un certain moment, au moins cinq baleines s’étaient regroupées. Du jamais vu en ce qui me concerne. Temps suspendu.
Le plus beau, c’est le magnétisme qui se dégage de l’expérience. Le vent du large nous happe. Les vagues nous font dodeliner à l’excès. Mais on oublie complètement le temps qui passe et on regrette de devoir rentrer.
À tout le moins, j’ai maintenant envie de confronter de nouveau les baleines de Tadoussac pour voir si elles auront vaincu leur timidité.
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Le journaliste était l’invité de Riviera Nayarit Convention and Visitors Bureau et de Finn Partners.