Ne manque plus que l’approbation par le conseil municipal de la vente d’un terrain d’une superficie de 350 000 pieds carrés à l’intérieur de la zone que la Ville a désignée il y a deux ans pour ce type d’usage.
« Nous avons les autorisations nécessaires de Santé Canada ainsi que le financement et nous nous sommes entendus avec la Ville, par le biais de Sherbrooke Innopole, sur les conditions d’acquisition du terrain. À moins d’imprévus de dernière minute, nous irons rapidement de l’avant », confirme Yvan Vanier, vice-président marketing et développement des affaires de la compagnie qui opérera sous la raison sociale CannaSher.
Bien que le gouvernement fédéral ait accordé les autorisations préalables, ce n’est qu’une fois l’usine en marche que Santé Canada évaluera si elle rencontre les hauts standards de qualité et de sécurité rattachés à une licence de commercialisation.
« Nous n’avons pas vraiment d’inquiétude parce que notre planification a été rigoureuse. Nos concepteurs ont eu accès à des installations situées en Ontario, qui sont efficaces et certifiées », répond à ce sujet M. Vanier.
La tolérance au risque est-elle plus élevée pour la production de cannabis?
« Je n’ai pas d’argent placé dans les paradis fiscaux et personne ne m’a offert des fonds occultes non plus. C’est le potentiel d’affaires du cannabis médical ainsi que la formule de partenariat, que nous ne trouverions nulle part ailleurs, qui nourrit notre confiance et qui rassure d’autres investisseurs », spécifie le président de CannaSher, Steven Blanchard.
L’homme d’affaires de 35 ans est de la troisième génération au sein de l’entreprise familiale Distribution Jean Blanchard (DJB), installée à Sherbrooke et qui œuvre depuis trois décennies dans la vente d’équipements spécialisés pour les bâtiments agricoles.
CannaSher est membre du consortium Vallée verte, créé à l’initiative de Sherbrooke Innopole avec l’objectif de faire de la région un pôle scientifique et commercial dans cette industrie émergente, vers laquelle s’oriente également la compagnie Neptune. Rappelons que cette dernière s’est retirée du marché de l’extraction d’huile de krill et injecte présentement 5 M$ pour adapter ses équipements du parc industriel à l’extraction de cannabis thérapeutique. Le producteur et le transformateur n’ont cependant pas encore signé d’entente commerciale.
« Il y a par contre un transfert d’expertise puisque nous sommes impliqués dans la conception de la future usine de CannaSher ainsi que dans le projet de conversion chez Neptune », illustre l’ingénieur sherbrookois Éric St-Georges.
L’association convenue avec l’Université de Sherbrooke (voir autre texte) mettra les scientifiques engagés dans différentes sphères de recherche à contribution au niveau de l’avancement des connaissances et l’identification d’autres niches potentielles.
« C’est un secteur qui n’était absolument pas sur notre radar il y a cinq ans et qui a un énorme potentiel. D’où notre souci de bien le structurer », fait valoir la directrice générale de Sherbrooke, Josée Fortin.
Tellement pas sur le radar, qu’il paraîtra un peu incongru de voir naître un centre de production de cannabis... à côté d’une garderie (CPE Tante Juliette 2). Les deux immeubles seront voisins!
« N’ayez aucune crainte d’une explosion comme celle s’étant produite chez Neptune. Il n’y a pas de produits dangereux comme l’acétone dans un centre de production de cannabis », s’empresse de préciser l’ingénieur St-Georges.
« Malgré cela, ce sont des informations qui ont été portées à l’attention de Santé Canada pour s’assurer que cela ne pose pas de problème. On nous dit que non. Les exigences sont très élevées au niveau de la sécurité, au point où l’ensemble de la propriété sera clôturé. Nous veillerons toutefois à ce que ces mesures de précaution soient peu visibles de la façade, de manière à ne pas créer l’impression de construire une prison à côté d’un CPE. Nous irons sous peu à la rencontre de nos voisins pour leur expliquer l’ensemble du projet », ajoute le vice-président Vanier.
Le démarrage de CannaSher doit générer une cinquantaine d’emplois et les dirigeants disent déjà plancher sur les phases subséquentes.
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Partenaires, mais pas actionnaires
Les chercheurs de l’Université de Sherbrooke voient d’un bon œil l’arrivée d’un centre de production de cannabis médical à proximité du campus de la santé. S’ils acceptent volontiers d’y être associés, aucun d’eux n’a toutefois manifesté le désir de devenir un partenaire financier de CannaSher.
« Notre contribution sera du domaine scientifique. Il y a des intérêts majeurs dans la recherche associée au cannabis et il est certain que nous devrons briser certaines perceptions négatives principalement liées à la crainte de dépendance. Or, personne ne songe à interdire l’usage médical des opioïdes comme le fentanyl ou la morphine pour soulager la douleur sévère ou chronique, même s’ils deviennent malheureusement cause de mortalité dans la rue. À la rigueur, même le patient s’injectant de l’insuline développe une certaine dépendance à ce médicament répandu pour soigner le diabète », met en contexte le professeur et chercheur émérite Louis Gendron, qui dirige le département de pharmacologie-physiologie de l’UdeS.
« Mon impression par contre est que nous n’aurons pas à persuader longtemps les gens de participer aux projets de recherche que nous mettrons de l’avant. Avec la légalisation et un encadrement approprié, on peut en faire une vertu positive » enchaîne-t-il.
Les chercheurs d’autres facultés, dont ceux s’intéressant à la botanique, pourraient s’avérer très utiles pour leurs connaissances approfondies des végétaux.
« C’est un soutien académique qui nous positionne exclusivement dans le marché, qui donne beaucoup de crédibilité à notre projet. En même temps, il nous obligera à être du même calibre que nos partenaires car, si nous ne sommes pas à la hauteur, l’Université et ses chercheurs ne tarderont pas à prendre leur distance », décode le vice-président de CannaSher, Yvan Vanier
Le coordonnateur du Réseau québécois de recherche sur le médicament, Patrice Leclerc, qui est rattaché à l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke, croit que la normalisation des règles est une bonne chose.
« Les contraintes réglementaires du passé ont fait en sorte que l’accès au cannabis était difficile même pour la recherche et à cause de cela, les publications n’ont pas été très exhaustives. Or, dans notre domaine, on publie une étude et un résultat, mais les confirmations viennent d’autres sources. Actuellement, on retrouve tout et son contraire dans la littérature sur le cannabis. Tantôt, avec des substances et des méthodologies semblables, les résultats vont devenir plus probants et plus crédibles ».