Michel Goulet, donner du sens au banal

Considéré par ses pairs comme l’une des figures marquantes du Québec en sculpture, Michel Goulet a créé environ 70 œuvres d’art public et son travail est exposé dans plusieurs lieux prestigieux au Canada comme à l’étranger.

Considéré par ses pairs comme l’une des figures marquantes du Québec en sculpture, Michel Goulet a créé environ 70 œuvres d’art public et son travail est exposé dans plusieurs lieux prestigieux au Canada comme à l’étranger. Originaire de l’Estrie, l’artiste revient dans la région qui l’a vu grandir pour présenter deux expositions, soit Faire surface, à la Galerie d’art du Centre culturel de l’Université de Sherbrooke, et État des lieux, exposée à l’Espace exposition Groupe Mach, situé à la bibliothèque de la faculté de droit.


L’artiste aime penser que ses créations se situent entre l’art et la vie. « La plupart des objets que j’utilise dans mes sculptures sont des objets de la vie, donc des objets qui, normalement, ne sont pas des objets artistiques. Mais parce que je les rapproche, que je les mets dans une certaine phrase, un certain ordre, ces objets finissent par avoir un sens, comme tous les objets d’art. Ils prennent leur valeur symbolique en étant ensemble pour raconter une histoire », explique le sculpteur.

L’exposition Faire surface présente une série d’œuvres où des tables, des assiettes, des longues-vues, des livres sont utilisés pour bâtir un récit.

Deux tables géantes construites en morceaux de casse-tête surdimensionnés, exposées pour la première fois côte à côte, attirent l’œil.

BLANC DE MÉMOIRE.

La première est blanche. Des extraits d’articles de journaux plutôt lumineux sont gravés sur sa surface.

BLACK DARK BOARD.

La deuxième est noire. Des extraits d’une poésie plutôt sombre du Sherbrookois Luc LaRochelle y sont inscrits.

« Les petites phrases poétiques créent un univers particulier, différent de la lecture dans un livre. Pour ce qui est des extraits de journaux, ce sont des bouts de phrases qui deviennent très poétiques lorsqu’ils sont sortis de leur contexte. Et la chose est vraie pour la poésie. Dès qu’on la sort de son contexte, elle devient presque un objet visuel qu’on peut regarder en même temps qu’on la lit », note M. Goulet.

Exposition à la galerie d’art de l’Université de Sherbrooke

L’intégration de phrases poétiques est une des signatures de l’artiste, qui a travaillé avec les mots de plusieurs poètes au fil de sa carrière. Les morceaux de casse-tête sont aussi un motif qui revient dans son œuvre.

« Un morceau de casse-tête fait partie d’un tout, comme le visiteur sait qu’il fait partie d’un tout qui est la société. Si on prend un morceau de casse-tête, on sait toujours qu’il y a une suite. C’est une façon de séquencer un objet. Et les petits éléments disposés sur la table sont de petites distractions, comme des bribes de conversation qu’on partagerait autour d’une table », souligne celui qui a souvent été récompensé pour son travail, notamment en recevant en 1990 le prix Paul-Émile-Borduas, la plus importante distinction accordée à un artiste en arts visuels par le gouvernement du Québec, et le Prix du gouverneur général du Canada pour les arts visuels en 2008.

À côté des tables géantes, quatre tables à quatre places représentent l’invention du jeu, du lieu, du hasard et du partage. « C’est comme si je prétendais avoir été témoin de l’invention du jeu, par exemple. C’est une histoire qu’on doit se raconter encore. On imagine être assis à ces tables, avoir à notre disposition différents éléments et imaginer ce qu’on en ferait. Par exemple, on voit un livre, des longues-vues. Les deux nous rapprochent de ce qui est très éloigné », observe l’artiste.

La place de l’art public

Dans l’Espace invitation de la Galerie d’art sont exposées des photographies de quelques-unes des œuvres d’art public produites par Michel Goulet. Parmi elles se retrouve Nulle part / Ailleurs, composée d’une vingtaine de chaises poétiques disposées aux abords de la Promenade du Lac-des-Nations à Sherbrooke. Les chaises sont d’ailleurs un objet du quotidien que l’artiste a utilisé dans plusieurs œuvres d’art public installées à New York, Paris, Lyon, Le Havre, Namur, Vancouver, Trois-Rivières, Québec.

« Les chaises ne sont pas le sujet des œuvres. Elles proposent aux gens de s’asseoir. Le sujet est donc plutôt la rencontre, le partage, la contemplation. En fait, avec ses chaises, Michel Goulet nous parle de l’humanité », résume la coordonnatrice de la Galerie d’art de l’UdeS, Suzanne Pressé.

« Mon art public est comme mon art intérieur. Je travaille avec des objets banals que l’on reconnaît. Je les rapproche, les empile pour créer un sens. Mes œuvres publiques sont importantes, car elles créent un beau rapport avec les gens. Je vais à leur rencontre au lieu de leur demander de venir à moi. Je crois que j’ai 70 œuvres un peu partout. C’est un beau petit musée international », ajoute le sculpteur, qui prépare des projets d’art public pour la Corse et le cœur de Paris.

« Je manque plus de temps que d’ouvrage », lance en souriant le septuagénaire, qui n’envisage aucune retraite et qui continuera de créer non pas pour réconforter, mais pour questionner, déconcerter.

« Je ne fais pas de l’art pour que les gens soient immédiatement emportés par un sentiment de bien-être. La plupart du temps, quand on regarde mon travail, on doit être actif. Il faut toujours regarder, car il y a tellement de choses à voir, de choses mélangées. On est plutôt dans l’analyse. Après, le visiteur retourne chez lui avec un souvenir et là, ça devient intérieur. Ça touche l’imaginaire », conclut l’artiste.

Vous voulez y aller
Faire surface
Michel Goulet
Galerie d’art du Centre culturel de l’Université de Sherbrooke
Jusqu’au 17 février
Entrée gratuite

Considéré par ses pairs comme l’une des figures marquantes du Québec en sculpture, Michel Goulet a créé environ 70 œuvres d’art public et son travail est exposé dans plusieurs lieux prestigieux au Canada comme à l’étranger.

Quand l’art cohabite avec la Loi

L’Espace exposition Groupe Mach a été créé au printemps dernier à la bibliothèque de droit, selon la volonté du doyen de cette faculté de l’Université de Sherbrooke.

« C’est un tout petit espace dans la bibliothèque. Le doyen, Sébastien Lebel-Grenier, souhaitait que les étudiants en droit soient aussi en contact avec l’imaginaire. Le droit, avec ses lois, est un domaine plutôt rigide, et il voulait que les futurs avocats, comme le personnel de la faculté, aient accès à la création pendant leur parcours à l’Université de Sherbrooke », résume Suzanne Pressé.

Dans cet espace sont présentées, jusqu’au 29 avril, cinq œuvres de plus petit format que Michel Goulet a créées au cours des quinze dernières années.

« Ce ne sont pas des œuvres décoratives, mais des œuvres de collection qui seraient vraiment belles dans notre salon. Et elles sont présentées dans la nouvelle bibliothèque, qui a un design spectaculaire avec une belle lumière », note Mme Pressé.

Deux des œuvres de Michel Goulet exposées font partie de la collection de l’UdeS.

Vous voulez y aller
État des lieux
Michel Goulet
Bibliothèque de la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke
Jusqu’au 29 avril
Entrée gratuite


Michel Goulet en bref...

- Né à Asbestos en août 1944
- Fait son cours classique au Séminaire de Sherbrooke et s’initie aux arts visuels au studio de Thérèse Lecomte
- Décroche un baccalauréat en arts de l’Université de Sherbrooke
- Étudie à l’École des beaux-arts de Montréal et à l’UQAM
- Lauréat du Prix Paul-Émile Borduas en 1990
- Œuvre comme professeur d’arts visuels à l’UQAM de 1987 à 2004
- Représente le Canada à la Biennale de Venise en 1988
- Sujet d’une exposition rétrospective au Musée d’art contemporain de Montréal en 2004
- Réalise Rêver le Nouveau Monde, l’œuvre offerte par Montréal à Québec pour son 400e anniversaire
- Lauréat du Prix du gouverneur général du Canada pour les arts visuels en 2008
- Élu membre de l’Académie royale des arts du Canada en 2009 et de l’Ordre du Canada en 2012
- Reçoit un doctorat honoris causa de l’Université de Sherbrooke en 2010
- Réalise de nombreux décors et scénographie pour le théâtre, dont le décor de la pièce Agamemnon de Sénèque à la Comédie-Française en 2011