Chronique|

Maman, j'ai (presque) raté l'avion

Après une bonne frousse, j’ai atteint Auckland, en Nouvelle-Zélande.

CHRONIQUE / Trois heures avant, qu’ils disent. C’est le temps qu’on devrait se donner, avant un vol, pour passer tous les contrôles à l’aéroport : enregistrement, sécurité, collation et probablement petit roupillon. Ah oui! Il faut aussi inclure la demi-heure qu’il faut pour trouver la porte d’embarquement, qui donne toujours l’impression d’être à l’extrémité opposée du terminal.


Je suis du type nerveux. D’un coup! D’un coup la file d’attente est trop longue. D’un coup mon nom était mal orthographié sur ma carte d’embarquement. D’un coup je ne trouve pas la place, tiens. Y a toujours cet imprévu qui nous bousille les plans. J’ai donc tendance à arriver trois heures avant. Pour toutes ces fois où j’ai regardé passer des centaines de passagers dans le couloir, bien assis à la porte d’embarquement deux heures et trois quarts avant le décollage, il y a eu cette fois où les étoiles s’étaient alignées pour me faire rater mon vol.

Février 2012. J’avais écoulé une semaine dans un tour du monde de six mois. Mais c’était une semaine qui ne comptait pas vraiment. Los Angeles, c’était purement pour décompresser avant la vraie aventure. J’avais réservé mon billet vers la Nouvelle-Zélande, obtenu mon visa pour l’Australie, mais autrement, rien. Je savais quand je traverserais le Pacifique, mais tout le reste relevait de l’inconnu. Je savais aussi que la Nouvelle-Zélande n’exigeait pas de visa pour les citoyens canadiens.

Trois heures avant, donc, je me pointe à l’aéroport de Los Angeles. Très peu de voyageurs ont été aussi zélés. Tant mieux, ça me laissera le temps de casser la croûte quand j’en aurai fini avec les formalités.

« Quand quitterez-vous la Nouvelle-Zélande? » me demande l’agente de la compagnie aérienne. Trois semaines environ, que je lui réponds.

Quoi? Le billet du retour? C’est qu’en fait, j’avais l’intention d’acheter mon transit vers l’Australie quand j’en aurais assez de me prendre pour un hobbit, quand la météo changeante de la Nouvelle-Zélande m’aurait trempé suffisamment pour que je m’évade vers les plages de Melbourne.

Nenni. Apparemment, on ne monte pas dans l’avion sans une pièce prouvant qu’on laissera éventuellement la Nouvelle-Zélande aux Néo-Zélandais. On nous aime bien comme touriste, mais la visite, il faut bien que ça parte à un certain moment.

On ne me remettrait donc ma carte d’embarquement que sur présentation d’un billet qui m’entraînerait n’importe où sauf là. Pas d’enregistrement de bagage, un petit sourire d’encouragement, que toute la chance que je peux entasser dans un petit baluchon et l’horloge qui fait tic-tac : c’était ce que me valaient pour l’instant les centaines de dollars engloutis dans un vol vers Auckland.

Plan A : réserver en ligne. N’importe quoi vers l’Australie, en espérant pouvoir annuler et reporter mon départ une fois sur place. Sans la complicité du wi-fi de LAX, j’ai dû passer au plan B : consulter une agente de Qantas, la compagnie aérienne australienne, après avoir fait la file comme tous les autres voyageurs. TIC. TAC! En majuscules avec un point d’exclamation.

« Oui, oui, nous pouvons réserver votre billet d’avion. Passez à l’autre ordinateur! » Le billet le moins cher, n’importe lequel, dans la mesure où vous l’imprimez maintenant...
L’ordinateur devait bel et bien tomber en panne exactement là, forçant l’agente à reprendre la recherche. « Malheureusement, le prix du siège que vous vouliez réserver n’est plus disponible. Il est maintenant deux fois plus cher. Vous le voulez quand même? »

J’y peux quoi, moi, sur le prix de mon vol, quand je visualise déjà mon avion qui décolle sans moi? On imprime et on oublie tout. Je rationaliserai les dépenses un autre tantôt.

« Désolée! L’imprimante ne fonctionne pas. Pouvez-vous patienter quelques minutes? »

Pendant un instant, j’ai cru que je resterais coincé à Los Angeles.

J’ai hésité entre rire et pleurer, le deuxième choix étant le plus évident. Se blottir en toute petite boule et pleurer en se roulant par terre... Qu’est-ce que c’est tentant! Mais ça ne changerait rien. J’ai ri! Ri du ridicule de la situation.

Avec une imprimante datant des années 1990, on m’a finalement fourni un bout de papier barbouillé de dizaine de chiffres... Il fallait comprendre qu’il s’agissait d’une preuve suffisante que je ne m’incrusterais pas au pays des Kiwis.

J’ai couru enregistrer mon bagage, ai passé la sécurité, où on m’a retenu pour vérifier les quantités de liquides dans mon bagage à main (décidément), et j’ai couru encore vers la porte d’embarquement, où j’ai filé directement vers mon siège... dans l’avion.

C’est là que l’agente du début, qui supervisait l’embarquement, m’a lancé : « Je me demandais où vous étiez. Je ne pensais sincèrement pas vous revoir. »

Leçon : double-vérifier les exigences d’entrée de chacun des pays à visiter. Et arriver à l’aéroport trois heures avant le décollage.

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