N’est-il pas satisfaisant de déambuler dans Paris, sans plan ni guide, et de voir se déployer les Champs Élysées devant nous, par pur hasard? Orgueil et esprit d’aventure s’emportent, comme un pied de nez aux circuits touristiques préfabriqués. Nous y sommes arrivés sans l’aide de qui que ce soit!
Je préfère donc toujours la marche au métro ou au transport en commun, quand la distance le permet, pour explorer davantage. Mais il est là le hic : la distance. Et quand on choisit de se perdre au-delà des gratte-ciel et des boucles des circuits de tram, il reste à s’acheter un billet de bus ou de train, et à se laisser porter, ou à louer une voiture et la laisser nous conduire dans les lieux les plus inusités.
Road trip! Y’a pas d’expression francophone qui décrive mieux l’ivresse d’être son propre chauffeur vers nulle part dans un fuseau horaire tellement loin qu’on oublie les largesses du décalage.
Mon permis de conduire international en poche, j’ai entrepris de louer une bagnole à Melbourne, Australie.
Il y a les frais de location, l’assurance, l’essence, mais il y a aussi la satisfaction d’être maître de son chemin.
Voyageant en solo, j’avais lancé un appel à tous dans mon auberge de jeunesse pour me trouver quelques passagers. Direction : la Great Ocean Road, considérée comme une des plus belles au monde, qui longe la côte vers le sud jusqu’à Warrnambool. Les bus touristiques remplis de photographes amateurs la parcourent aller-retour en une journée. Trois petits clichés et puis s’en vont. Moi, je voulais prendre mon temps.
Un Français et une Allemande ont répondu à l’invitation. Pendant que je tenterais de maîtriser la conduite dans la voie de gauche, mon volant bien fixé à la droite du véhicule, mes nouveaux compagnons apprendraient à se connaître.
Et nous étions en route.
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J’ai bien joué les tortues un temps, frôlant les limites inférieures de vitesse, le temps de départager les commandes des clignotants de celles des essuie-glaces. C’est que les habitudes de conduite sont bien ancrées. Vous voyez bien que je veux tourner, j’ai actionné les essuie-glaces.
Nous avons finalement mis quatre jours à fermer la boucle qui nous ramènerait à Melbourne. Nous avons parcouru les sinueuses côtes australiennes en nous arrêtant souvent, sur les plages de Torquay ou de Lorne, ou encore pour admirer un phare au milieu de nulle part.
Alors que la plupart des touristes s’entassent trois minutes tout au plus sur une promenade de bois pour un portrait rapide près des Douze Apôtres, les formations rocheuses les plus célèbres du circuit, nous avons pris notre temps. Nous avons pique-niqué à Apollo Bay, nourri les perroquets à Kenneth River et admiré nos premiers koalas sauvages.
Nous avons été encore plus éblouis près de Cape Otway, où les koalas sont légion, endormis un peu partout le long des routes, bien perchés sur leur branche.
Bien sûr, bien sûr, nous n’avons pas laissé les Apôtres derrière sans nous arrêter aussi. Seulement, nous avons pu contourner les foules, nous attarder, explorer les environs. Quel circuit nous aurait permis de nous arrêter à Sherbrooke River, juste pour voir de quoi ç’a l’air? Et au lieu de prendre le chemin du retour en revenant sur nos pas, nous avons choisi de traverser les montagnes des Grampians, pour changer de décor.
Tout au bout de la Great Ocean Road, en nous approchant dangereusement de Warrnambool, nous avons aperçu une nichée de pélicans sur un lac paisible où des pêcheurs taquinaient le poisson. En traversant une plaine au soleil couchant au son des tubes western sur les ondes un peu embrouillées d’une radio locale, nous avions vraiment le sentiment de filer au bout du monde. Filer au bout du monde sans contraintes, seuls au milieu de nulle part.
Et nous sommes rentrés avec, dans le coffre arrière, des souvenirs qu’un circuit organisé ne nous aurait jamais permis d’accumuler...
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