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Deuxième ville de France, Marseille ne jouit pas de la réputation de Paris. Plus sale et plus dangereuse, qu'on m'avait dit. Et pourtant...
Vrai que le premier contact avec la gare Saint-Charles, point de départ des trains régionaux et des bus, laisse un tant soit peu dubitatif. Autour de l'établissement, ils sont nombreux à quémander quelques centimes, ou une cigarette, en abordant les étrangers. Ils reprennent leur ronde indubitablement toutes les cinq minutes, quand un nouveau groupe de badauds s'amène. Mais le centre-ville, lui, m'a souri. J'ose même dire plus que Paris.
Sinon il y a le Vieux-Port, où une grande roue attire le regard. Des milliers de bateaux y sont amarrés. Chaque espace disponible est occupé. Impossible même de rêver s'en procurer un. On se les transmet de génération en génération, ou à l'intérieur d'une même famille. Là, le vieux côtoie le neuf. Plusieurs bâtiments ont été détruits par les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais d'autres, comme la mairie, ont été épargnés.
Tout autour de la grande place publique enlaçant le port, des blocs de béton ont été cordés les uns à côté des autres. Depuis les attentats de Nice, on ne lésine pas sur la sécurité des foules qui pourraient s'y rassembler. À l'église Notre-Dame-de-la-Garde aussi, des soldats sont postés de chaque côté de l'édifice, signe qu'on prend là aussi au sérieux les risques d'attentat. Eux aussi sont apparus dans les derniers mois.
Ce n'est quand même pas une raison pour freiner l'enthousiasme de découvrir une ville à l'histoire riche et à l'accent tellement charmant. L'histoire et l'accent m'ont été livrés par une Greeter qui m'attendait au port. Les Greeters sont ces guides-résidents qui s'offrent bénévolement pour vous faire découvrir leur ville. Au Québec, Sherbrooke a été la première à miser sur ce réseau qui commence à s'étendre.
Bien sûr, on ne résume pas 2600 ans d'histoire en quelques heures. On pourrait tout aussi bien suivre la ligne rouge tracée au sol et reliant des panneaux d'interprétation, pour en savoir un peu plus sur le passé de Marseille. Mais on peut surtout se le laisser raconter par des Marseillais.
Il faudrait assurément s'accorder deux ou trois jours pour flâner sur la berge nord du port. Les amateurs d'histoire verront les grandes cuves, découvertes au moment de creuser pour construire de nouveaux bâtiments et entreposées dans un musée. Les artéfacts, pour la plupart abîmés, révèlent néanmoins un ingénieux processus pour pomper l'eau ou l'huile, selon les besoins d'antan.
Alliant l'histoire et le beau, le Fort Saint-Jean est relié au contemporain Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. Sur le toit, un jardin gratuit regroupe des plantes qui résistent au climat rigoureux de la Provence. Une oeuvre d'art en soi, ces jardins, alors que la passerelle qui permet de traverser la « mer » vers le musée prend la forme ludique d'une immense poutre.
L'enveloppe du bâtiment, comme un gigantesque filet troué, a sans aucun doute soulevé les débats en tranchant aussi superbement sur le vieux du Fort Saint-Jean adjacent. Cette enveloppe, bien qu'ajourée, fournit de l'ombre sur la terrasse qui profite néanmoins d'une lumière naturelle plus qu'enviable. De là, la vue sur la cathédrale La Major est imprenable. Sur la place publique qui l'entoure, aussi, qui profite du virage vert amorcé par la Ville. Des portions d'autoroutes et des stationnements ont été redonnés aux citoyens, se sont transformés en espaces verts.
Le coup de coeur, il vient toutefois du quartier du Panier, cet ancien quartier populaire où les rues portent des noms à consonance religieuse. La rue des Muettes, par exemple, était le lieu d'un couvent où les religieuses avaient renoncé à la parole. On peine à croire qu'un ancien hôpital, majestueux, aujourd'hui transformé en musée, devait à l'origine tomber sous le pic des démolisseurs. Les placettes mignonnes se succèdent dans un enchevêtrement de ruelles et d'escaliers. C'est Montmartre à Marseille.
Non seulement on s'y éloigne un brin des restaurants très touristiques du Vieux-Port, mais on y découvre des bouis-bouis sympathiques, des boutiques originales qui ont parfois conservé leur façade d'antan. L'art de rue s'y multiplie aussi avec des murales et des graffitis originaux. Les reliques d'anciens moulins peuvent aussi y être observées, et les plus malins, ou ceux qui compteront sur une Greeter bien renseignée, apprendront comment repérer la façade d'un ancien bordel...
Marseille, c'est le multiculturalisme. C'est aussi une population qui, de son propre aveu, râle continuellement. Elle râle, sympathique avec cet accent de Provence qui donne envie de sourire. Marseille, c'est une topographie digne de San Francisco, un soleil digne de Californie.
Il suffit d'ouvrir les yeux pour que les Marseillais nous ouvrent les bras. Et hop, l'envie d'y retourner nous prend aussitôt les pieds dans l'avion du retour.
Marseille, si j'avais succombé au pastis, j'en boirais un à ta santé.
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