Santiago de Okola compte 80 familles dans des maisons éparpillées sur un territoire situé à 3810 mètres d'altitude. Sur le lac, calme, dodelinent quelques chaloupes amarrées. Les chaloupes de pêcheurs, sans moteur, permettent de récupérer les filets qui se sont remplis de poissons pendant la nuit.
Une douzaine des maisons construites à l'ombre de la montagne du Dragon endormi ouvrent leurs portes aux touristes. Dans les maisons des citoyens du village, comme celle de Santiago et Nicolasa, où j'ai dormi, une ou plusieurs chambres sont réservées aux passants.
Aussitôt arrivés, nous sommes accueillis par un festin composé de produits locaux. Le quinoa, cultivé dans les champs de Santiago de Okola, sert notamment à faire des kispinias, des tawas, qui sont en fait des espèces de croustilles et de craquelins. Les haricots, les fèves de Lima, le maïs et les pommes de terre servis sur une table qui déborde proviennent tous des champs voisins. Pour agrémenter le tout, on nous propose un pichet de jus de cebada, soit du jus à base d'orge.
Non seulement la restauration rapide est interdite dans le village, mais chaque famille dispose d'une parcelle de terre qu'elle divise comme elle veut pour cultiver ses produits. Elle garde environ la moitié de la production et vend le reste au marché de La Paz.
Les familles hôtes ont toutes reçu une formation, notamment en astronomie andine, et doivent préciser ce qu'elles serviront à manger aux visiteurs. La venue des touristes leur permet par ailleurs de se réapproprier leur culture et leurs traditions. Les villageois ont entre autres réappris le tissage et redécouvrent les propriétés médicinales des plantes. Mal à la tête? On infusera une tisane particulière pour vous. Mal à l'estomac? On a aussi la plante qu'il vous faut.
L'école du village reçoit une cinquantaine d'élèves du primaire et du secondaire et compte sept professeurs. Quand la pluie s'abat sur Santiago de Okola, certains écoliers ne parviennent même pas à franchir les torrents coulant des montagnes vers le lac Titicaca et se retrouvent en congé forcé.
Ricardo Choquehuanca Huanca, le directeur, explique qu'on tente de revaloriser la culture du village dans l'enseignement dispensé. « Nous leur parlons des montagnes qui nous entourent. Nous leur apprenons à connaître la flore, la biodiversité avec laquelle nous vivons. Nous voulons garder les constructions rustiques. Dès qu'ils sont petits, les enfants grandissent avec ces valeurs de protection du village. »
Petits, les enfants apprennent à reconnaître les frontières du village. Lors d'une promenade dans les environs, on leur enseigne le vrai nom de chaque chose, de chaque endroit. Souvent, les jeunes découvrent des secteurs de la communauté où ils ne s'étaient jamais aventurés.
Au secondaire, les plus grands orientent leurs activités de recherche sur la communauté. D'où vient le nom de Okola? Quelle est la légende entourant la montagne du Dragon endormi? Ils composent aussi des chansons et des poèmes racontant leur histoire et se documentent sur la médecine naturelle.
Mais voilà, une fois le secondaire terminé, la jeunesse de Santiago de Okola part pour l'université à La Paz ou ailleurs au pays.
« Il n'y a pas beaucoup de maisons dans la communauté. On voit bien que les jeunes ne reviennent pas » , admet Ricardo Choquehuanca Huanca.
Mais selon le directeur, le tourisme communautaire constitue une bonne façon de retenir les jeunes. « Si nous réussissons avec ce projet, la communauté va se repeupler. C'est la raison pour laquelle nous insistons autant sur le tourisme communautaire dans la formation. »
Dans les locaux de l'école, le musée communautaire illustre les traditions boliviennes, des outils de pêche aux vêtements traditionnels. Le directeur insiste d'ailleurs pour que ce soit un élève qui interagisse avec les touristes. Lentement mais sûrement, une nouvelle génération de guides apprend son métier.
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Le journaliste était l'invité de Village Monde, de la Fondation Air Canada, du CECI et de LOJIQ.