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Le Lézard rouge a tout du train mythique. Construit entre 1911 et 1926 en France, il a conservé ses parures d'époque. Dans les cabines, dont les portes ouvrent vers le petit corridor, les murs sont couverts d'un revêtement de bois. Des photos d'un autre temps, en noir et blanc, ont été disposées dans les cadres qui y sont accrochés. Même les cabinets de toilette ont de la classe. C'est exactement comme ça que j'imagine l'Orient-Express, à bord duquel je ne suis pas encore monté.
Aujourd'hui train touristique de 116 places, le Lézard rouge n'a pas été paré de beaux atours pour rien. À l'origine, il servait au bey de Tunis pour relier le Bardo, Tunis, Hamman-Lif et La Marsa. Il parcourait alors une quinzaine de kilomètres.
Après l'indépendance de la Tunisie en 1956, le train a été abandonné pendant plusieurs années et ce n'est qu'en 1984, après une restauration, qu'il a repris du service pour devenir ce qu'il est aujourd'hui.
Pour le plaisir des touristes, il parcourt maintenant 43 kilomètres, trois fois par semaine si la demande est suffisante, sur une portion de chemin de fer empruntée par les trains miniers transportant du phosphate. La dernière halte, vers Gafsa, révèle d'ailleurs une partie du paysage minier, ses wagons remplis, ses amas de pierres et de résidus.
Lors de ma visite, plusieurs passagers étaient tunisiens ou algériens, fiers de s'aventurer dans un décor tout droit sorti d'un film western. Dès les premiers mouvements de locomotive, tout le monde s'est massé vers les fenêtres pour être certain de ne rien manquer. Sauf que la vraie beauté se pointe à l'extérieur de la ville, dans la gorge de Selja.
Le Lézard s'enfonce vers l'horizon, presque infini, qui se tord en d'immenses montagnes. Puis, le bruit assourdissant du métal et l'obscurité presque complète. Un premier tunnel. Il y en aura au moins trois sur le parcours pendant lequel les six wagons dodelineront un brin de gauche à droite. Il faut garder les bras à l'intérieur...
Un premier arrêt, pour cinq ou dix minutes tout au plus, suscite l'enthousiasme. Tout le monde descend. D'un côté, le train est dominé par une paroi rocheuse. De l'autre, un petit cours d'eau se faufile au creux d'un vallon. L'impression d'être loin de tout n'est tout à coup plus qu'une impression.
Au sifflet, les passagers reprennent le rang, s'étirent pour regrimper à bord de wagons, soudainement beaucoup plus haut quand les quais de la gare ont disparu.
Le chemin de fer suit le cours d'eau jusqu'au pied d'un canyon où le train s'arrête de nouveau avant de reprendre la route pour le dernier tronçon.
Ce qui est bête, c'est de s'élancer des fenêtres de gauche à celles de droite, pour ne rien manquer, alors qu'au final, on refera le même trajet dans le sens inverse.
Ce qui est moins bête, c'est qu'il fait suffisamment chaud pour passer sa tête par la fenêtre ou demeurer sur la plateforme entre les wagons sans grelotter.
La balade dure près de deux heures en tout. Sur le chemin du retour, l'émerveillement un tantinet atténué par tout ce sable et tous ces palmiers déjà observés, on s'attarde plus calmement au paysage dans son ensemble, à la steppe immense, à la vie lente qui suit son cours au retour à Métlaoui.
Il faut passer par là un mardi, un vendredi ou un dimanche pour pouvoir monter à bord, mais avec quelques entourloupettes pour bricoler un horaire qui convient, le Lézard rouge promet de laisser un souvenir marquant. Il faut au moins considérer de le mettre à son itinéraire.
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Le journaliste était l'invité de l'Office national du tourisme tunisien et de Tunisair.