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Si la ville de Bavière, en Allemagne, constitue un point de départ idéal pour explorer une partie de l'Autriche et tout le sud du pays d'Angela Merkel, elle est aussi avantageusement située pour qu'on se donne la peine d'absorber un brin d'histoire en visitant le camp de concentration de Dachau, le premier camp en importance érigé en Allemagne.
J'aurais préféré m'y rendre dans un tour guidé, comme si je souhaitais laisser le soin à quelqu'un d'autre de décider ce qui doit être raconté et ce qu'il est préférable d'éluder. Si j'en sortais choqué, ça me ferait toujours quelqu'un à blâmer.
À la gare centrale, un jeune homme attendait les voyageurs pour une tournée du site à la bonne franquette. Il prenait soin du transport, du coût d'entrée : il n'y avait qu'à suivre et à écouter.
Mais voilà, quand un policier s'est pointé et a commencé à argumenter, les plans ont changé. « Pas de tour aujourd'hui. Je dois me rendre au poste de police », a lancé le guide qui, visiblement, ne disposait pas d'un permis pour l'activité qu'il menait.
Il m'a planté là, à la gare, avec un autre voyageur un peu déboussolé. Ensemble, nous avons entrepris de nous concocter notre propre tour guidé en sautant dans le prochain train de banlieue qui se pointerait. Il faut une heure pour rejoindre le site où plus de 30 000 personnes ont perdu la vie.
Au coup d'oeil, Dachau impressionne un peu moins qu'Auschwitz, en Pologne, où une panoplie de baraquements demeurent bien cordés les uns à côté des autres. C'est peut-être parce qu'on a l'habitude du célèbre dicton « Arbeit macht Frei », le travail rend libre, érigé au-dessus de la porte d'entrée à Auschwitz et que notre imaginaire n'a retenu que les images polonaises.
Ayant oublié un brin mes cours d'histoire, j'ai été surpris de voir le même écriteau sur la porte grillagée de Dachau, dans une mesure plus modeste.
Alors que je suivais aveuglément un guide dans les dédales d'Auschwitz, où l'allure muséale atténue un tantinet l'horreur qui y est illustrée, à Dachau, on donne dans la simplicité. Dans un long bâtiment, une exposition raconte toutes les expériences que les nazis ont pu faire subir aux prisonniers.
On y raconte les femmes enceintes. Les enfants. Les hommes. Mutilés. Ébouillantés. Torturés. On y raconte l'horreur comme elle doit être racontée, parce qu'il ne faut pas faire comme si. Parce que le monde doit savoir.
Si on apprend que l'être humain est capable du pire, on réalise aussi qu'il y a une limite à l'horreur. L'exposition a beau être complète, elle livrait là bien plus que ce que je pouvais supporter. Las de la douleur et des tortures qu'on décrit en mots et en images, j'ai senti le besoin de prendre l'air avant d'avoir atteint le dernier panneau. Je n'ai pas terminé la tournée de l'exposition.
Dehors, il n'y a que les fondations des baraquements. Il y a le crématorium, aussi, où on brûlait les corps des prisonniers qu'on exterminait. Il y a surtout une chambre à gaz. Grise. Froide. Où l'envie de s'attarder passe plus vite qu'un courant d'air. À moins qu'il ne s'agisse de douches.
Incertitude. On sait que la porte ne se refermera pas. Et pourtant, on s'y sent pris au piège. Ce ne sont peut-être que des douches, mais on ne s'y sent pas en sécurité...
En remontant dans le bus qui menait à la gare, j'ai poussé un soupir de soulagement.
Quelques jours plus tard, je visitais également le camp de Sachsenhausen, près de Berlin, avant de décréter que j'avais vu suffisamment de camps de concentration. Il y a une limite à l'horreur qu'on peut supporter.
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