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Les pouceux!

Pour voir le pont Tara, près de Zabljak au Monténégro, l'auto-stop demeure le moyen le plus efficace.

CHRONIQUE / Ça pourrait être le titre d'un film qui finit mal : Les pouceux! Ou d'un récit d'aventures tout ce qu'il y a de plus excitant. Ici, les pouceux font bien sûr référence à l'auto-stop, un mode de locomotion prisé de plusieurs voyageurs parce qu'il ne coûte à peu près rien... sauf du temps.


Bien sûr, les histoires d'auto-stop qui tournent au vinaigre, ce sont principalement les idées préconçues, celles tirées de faits divers qu'on nous raconte avec force détails pour nous rappeler de nous méfier. Ça arrive, les mauvaises expériences. Mais on n'entend pas souvent parler des autres qui se passent comme prévu. À tout le moins, le néophyte en moi ne connaissait que très peu de choses de cette pratique.

L'année 2016 m'aura permis de partager la voiture d'autres voyageurs, auto-stoppeurs et conducteurs généreux, pour une première fois. Parce qu'il n'est jamais trop tard. Parce que les autres le font bien.

Je me suis résolu à tendre le pouce récemment au Monténégro, à une des extrémités du pont Tara, près de la ville de Zabljak. La plupart des gens qui m'avaient raconté s'être rendus dans le secteur du parc national de Durmitor avançaient avoir utilisé l'auto-stop à un moment ou à un autre. À moins d'avoir une voiture, on peut difficilement se déplacer autrement.

Ledit pont Tara traverse le plus profond canyon de l'Europe, ce qui en fait un point d'intérêt. On s'y rend dans le bus se dirigeant vers Belgrade, en Serbie, et on demande au chauffeur de nous abandonner à l'entrée du pont.

Pour revenir, on peut attendre longtemps qu'un autre bus se pointe et nous cueille. Ou on peut solliciter la générosité des automobilistes. Sans conviction aucune, j'ai tendu le bras et j'ai attendu.

J'aurais voulu donner l'impression que je fournissais un effort pour me rendre à ma destination en marchant vers mon objectif. Quelque chose pour inciter les conducteurs à s'arrêter. Mais voilà, les routes séparant Zabljak et le pont sont sinueuses, à flanc de falaise. J'ai fait la statue.

Ils sont drôles, les gens, à prendre un air désolé en montrant la banquette arrière, déjà remplie à craquer. Drôles mais sympathiques.

Puis 10, 15 minutes plus tard, peut-être, un bolide s'est arrêté. La banquette était ensevelie sous des piles d'objets. Le conducteur m'a fait signe de tout pousser sur le côté. L'homme ne parlait pas anglais. Son passager non plus. Encore moins français. Les symboles religieux pullulaient dans l'habitacle. J'ai dit « Zabljak ». Ils ont opiné.

Je ne sais pas à quelle aventure je m'attendais. Ils ont discuté entre eux en attendant d'atteindre le village, où ils m'ont laissé en m'envoyant la main. Rien de plus que du covoiturage bien normal.

En Islande, un pays très dispendieux pour les déplacements, plusieurs optent pour l'auto-stop pour économiser.

Bons Samaritains

Plus tôt cet été, j'étais celui qui jugeait de l'opportunité de faire monter des auto-stoppeurs en parcourant la route 1 en Islande. Il y a eu un léger débat avec mon amie, qui conduisait chaque fois que je lui demandais de secourir un de ces nomades usant leurs semelles.

Elle avait en tête toutes ces agressions envers ceux qui se voulaient de Bons Samaritains. Comment savoir que nous ne finirions pas en pièces dans le coffre de la voiture? J'arguais que l'Islande était probablement le pire endroit pour se réfugier si on avait de mauvaises intentions. Au froid, au vent, il n'y a aucune garantie qu'on vous laissera monter.

C'est parce que le coût de la vie, de la voiture de location, de l'essence, est particulièrement élevé que plusieurs optent pour l'auto-stop en Islande. J'ai été impressionné par ce jeune couple tchèque, à son premier voyage d'amoureux, qui trimballait son attirail de camping dans son sac à dos.

Les deux voyageurs nous ont demandé de les déposer le long d'une rivière. Plus facile pour attraper du poisson, a invoqué le jeune homme, qui avait pensé amener sa canne à pêche. Débrouillardise, quand tu nous tiens.

Il y a eu les tricheurs aussi. Ceux qui s'étaient séparés pour se donner plus de chances. Le jeune homme s'agitait, seul, sur le bord de la route pour combattre le froid. Nous nous sommes arrêtés. Une centaine de mètres plus loin, ses deux amis espéraient avoir la même chance. Il nous a suppliés de les faire monter. Comment dire non quand on a déjà mordu à l'hameçon?

Les trois gaillards entassés à l'arrière ont eu le mérite de nous divertir, nous racontant que l'un d'entre eux était champion du monde de « futnet », ou tennis-ballon, ce sport mélangeant tennis et soccer. Vérification faite : ils ne racontaient pas de bobards. Le hasard nous a bel et bien fait partager la route avec un champion du monde.

Et il y a eu ces deux jeunes italiennes, un peu plus affectées par les intempéries, qui ne trouvaient pas sommeil dans la tente qu'elles transportaient. Une fois bien installées dans notre voiture, elles ont rejoint Morphée à une vitesse folle, et ce, pour presque toute la durée du trajet.

Ces expériences m'ouvrent maintenant une porte sur une nouvelle façon de me déplacer à l'étranger. Il reste à voir si j'oserai m'y risquer de nouveau.

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