En Afrique du Sud, par exemple, on ne recommande pas de sortir quand la nuit arrive. Il y a peu de chances qu'une promenade nocturne tourne mal en plein coeur de Wilderness ou de Knysna. Mais au Cap?
On m'avait raconté qu'il fallait rentrer avant que les étoiles n'apparaissent. Que les touristes risquaient d'être dépouillés de toutes leurs possessions s'ils s'aventuraient dans les rues en soirée.
Pour rejoindre un ami qui souhaitait essayer un restaurant dans le secteur du Waterfront, en bordure de mer, comme son nom l'indique, j'avais donc laissé le passeport, le portefeuille et l'appareil photo à l'auberge. Avec un peu plus de 20 $ en poche, je ne craignais (presque) rien. Emmenez-en des voleurs.
Ça, c'est le courage d'avant. Avant de fouler les rues désertes. Le courage d'avant le souper. Mais une fois le ventre plein et le silence aussi lourd que l'obscurité, le courage s'était évaporé.
Quand on dit qu'il n'y a personne dans les rues, en soirée, on veut vraiment dire personne. Personne comme dans « s'il arrive quoi que ce soit, il n'y aura pas de témoins ». On sort la paranoïa et on accélère.
Les feux de circulation devenus inutiles passent du vert au rouge, du rouge au vert, mais il n'y a personne pour les voir valser d'une couleur à l'autre. Personne sauf moi. Sauf moi et cet itinérant qui m'a fait sursauter.
Dans le silence de la nuit, on a pu entendre mon coeur s'arrêter un instant quand, au tournant d'une rue, l'homme m'a lancé sans attendre « Vous avez du change? » Si seulement on ne m'avait pas mis en garde dix fois plutôt qu'une, je n'aurais probablement pas fait de cas de cet incident.
Je n'ai croisé personne d'autre. Il s'agissait donc là du plus grand danger que j'ai couru en Afrique du Sud. Bien loin de ce qu'on m'avait raconté, mais je ne tenterais pas le sort à nouveau.
Idem pour Quito, la capitale de l'Équateur, où je suis arrivé en début de nuit. Quand le taxi m'a déposé devant la porte de l'auberge, sous un réverbère à la lumière trop jaune, on aurait pu croire à un film d'épouvante. Il n'y avait tellement personne dehors que c'en était louche.
Première consigne des Équatoriens : en soirée, on prend un taxi. Même pour passer d'un coin de rue à un autre. ON NE MARCHE PAS. En majuscules. Pour que ce soit clair. Ça ne donne pas envie de braver les interdits. Surtout quand un autre voyageur nous raconte s'être fait lancer une bouteille de bière par un homme bourré la nuit précédente.
C'est ainsi qu'en regardant ma montre, dans le minibus qui me ramenait d'une virée en Amazonie, j'ai demandé au chauffeur s'il pouvait me déposer devant la porte de mon auberge, puisqu'il passait à deux rues de là. Négatif! Il me laisserait justement à deux rues de là, devant un autre établissement hôtelier.
Trois heures du matin. Même silence. Même réverbère jaune. Toc, toc à l'hôtel. « Pouvez-vous m'appeler un taxi », que je demande.
Négatif!
Décidément.
« Est-il sécuritaire de marcher jusqu'à mon auberge alors?». Encore négatif.
On fait quoi dans une situation comme celle-là? « Peut-être qu'en parcourant les rues autour, vous trouverez un taxi », me dit le tenancier.
Vraiment? Pas sécuritaire de randonner jusqu'à l'hôtel, mais sécuritaire de faire la chasse aux taxis? « Bonne chance! » m'a dit l'homme peu empathique.
En me retournant, j'ai vu des clients de l'hôtel en question qui sortaient d'un taxi... Le hasard, parfois, fait bien les choses.
Suivez mes aventures au