Ces touristes qui m'exaspèrent

La chasse aux égoportraits prend désormais d'assaut tous les sites touristiques, comme ici à Godafoss, en Islande.

CHRONIQUE / Fréquenter les quartiers touristiques de Paris, c'est entendre parler anglais, québécois ou allemand aussi souvent qu'on entend le dialecte local. Fréquenter les quartiers touristiques de Paris, c'est parfois se buter à un serveur qui fait la gueule et se rappeler la réputation de la Ville lumière en matière de tourisme.


<p>On ne peut pas attendre d'un touriste qu'il sache ce qu'est un okonomiyaki, mais on ne peut pas s'attendre à ce que tous les restaurants ne servent que de la pizza et de la poutine.</p>

On ne peut pas attendre d'un touriste qu'il sache ce qu'est un okonomiyaki, mais on ne peut pas s'attendre à ce que tous les restaurants ne servent que de la pizza et de la poutine.

Oui, cette rumeur que les Parisiens détestent les touristes circule. Pourtant, plusieurs Français cherchent encore comment cette réputation a bien pu prendre des proportions démesurées. Qu'on soit d'accord ou pas avec le stéréotype, on pourrait comprendre certains citoyens d'en avoir marre que leur ville soit assiégée par les touristes.

Parce que pour moi, les touristes, ils ne savent pas toujours se comporter. Entre eux et avec les populations locales.

Si tu te présentes n'importe où en parlant anglais et en étant convaincu que l'autre se doit de te répondre dans la même langue, je te juge. Si, pour toi, un préposé d'hôtel qui ne comprend pas l'anglais est imbécile, je te juge. Et si tu hausses le ton en pensant que ça aidera le pauvre employé à décoder tes simagrées, je te juge encore plus.

Eh oui. Quand on voyage à l'étranger, c'est à nous de trouver des façons de nous faire comprendre. On fait des dessins, des grands gestes ou on demande à quelqu'un d'autre de traduire pour nous.

Si tu te plains de la nourriture, que tu te plains que le menu ne compte que de la pho ou des okonomiyakis, je te juge aussi un peu. Pas que tu ne connaisses pas le vocabulaire local, mais que tu penses qu'on devrait servir des pizzas et de la poutine partout.

Si tu découvres le monde strictement en regardant l'écran de ton téléphone cellulaire, je te juge. Si ledit cellulaire est accroché au bout d'une perche à égoportrait et que l'écran te renvoie une image de ton visage, c'est pire. Surtout qu'on pourrait éviter des conséquences fâcheuses si les touristes demeuraient sur les sentiers balisés, lors d'excursions, et s'ils regardaient devant eux plutôt que sur leur appareil mobile.

L'égoportrait en pousse d'ailleurs des dizaines à rivaliser d'ingéniosité en grimpant sur des statues ou des temples millénaires, en s'approchant trop près d'animaux sauvages ou en importunant la population locale pour un cliché avec elle.

Être touriste, c'est souvent oublier les règles élémentaires de bienséance et de sécurité. On oublie de porter attention à la circulation, parce qu'on a le nez dans les airs à s'émerveiller du paysage. On s'incruste dans les photos des autres, parce qu'on est incapable d'attendre pour s'approcher d'une attraction. On ne respecte pas la signalisation, parce qu'on s'arroge des droits « de visiteur ». « Je dirai que je ne savais pas », lancent plusieurs d'entre eux comme argument qu'ils serviront s'ils se font pincer.

Les touristes, ils m'exaspèrent aussi dans les aéroports et les avions. Il y a ceux qui mettent 30 minutes à s'enregistrer pour un vol, qui réalisent que leur valise est trop lourde et qui argumenteront parce qu'on ne leur a pas attribué un siège à côté de leur conjointe. De quoi avez-vous tant besoin pour que vos valises pèsent trois tonnes? Pourquoi n'avez-vous pas réservé vos sièges plus tôt?

À la porte d'embarquement, tous se précipiteront pour se mettre en file, même si 1- tout le monde devra monter avant de décoller 2- l'embarquement se fait par groupes. Si ton siège se situe à l'avant de l'avion, sur le bord de l'allée, tout indique que tu devras monter en dernier. Sinon, tu bloqueras ladite allée en tentant de pousser ton bagage dans le compartiment au-dessus des sièges. Et oui, tu seras obligé de te lever quand je voudrai prendre possession de mon siège, côté hublot. C'est comme ça. Pas le droit de soupirer.

Bien sûr on en trouvera un ou deux pour être bête et vindicatif avec une hôtesse de l'air. Comme si le fait d'avoir payé son billet 1000 $ les dispensait du devoir d'être poli. Chapeau, mesdames et messieurs qui composez avec les caprices des voyageurs coincés à 35 000 pieds d'altitude.

Et enfin, enfin, le carrousel à bagages finira bien par vous rendre votre valise. Pas besoin de vous empiler à 300 devant la chute à bagages, avec un chariot de surcroît.

Certains touristes m'exaspèrent. J'en exaspère probablement plusieurs moi-même. Et ça me peine un peu de réaliser que je suis parfois un peu trop touriste.

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