« J'étais vraiment très contente de l'idée de Michel : c'est le premier collectif d'auteurs autochtones, dirigé par un autochtone. Je l'ai d'ailleurs aidé à trouver quelques auteurs. Pour moi, Amun est comme une première émancipation, un premier détachement de la littérature québécoise. Même si nous partageons le même territoire, la littérature autochtone a sa propre identité. C'est une autre histoire, une autre pensée, une autre façon de voir le monde », insiste la poète de 25 ans originaire de Pessamit, sur la Côte-Nord.
Également slameuse, peintre et militante innue, Natasha a accepté de monter à bord de l'aventure même si elle n'écrit pratiquement jamais de nouvelles.
« Je pense que c'est seulement ma troisième à vie. Mais j'avais ce texte que je venais d'écrire, où le personnage était autre que moi. Il s'exprimait dans une langue et un contexte différents des miens. Bref, je sortais de ma zone de confort. »
Ce qui a donné J'ai brûlé toutes les lettres de mon prénom, où une jeune femme autochtone, en plein désarroi culturel et amoureux, donne son point de vue sur les hommes autochtones, ce qui est assez rare. Le personnage peint un portrait loin des clichés comme la violence ou la consommation de drogues. Il constate aussi sa difficulté de connecter avec d'autres autochtones, préférant l'amitié (ou l'amour) de Québécois d'origine francophone.
« Des choses que j'ai vues chez les autres. Vécues par moi aussi, dans mes relations amoureuses - et que la poésie a contribué à guérir.
C'est aussi la poésie qui m'a fait prendre conscience du rôle de l'identité là-dedans. Encore aujourd'hui, à Montréal, j'ai tendance à me tenir avec des métis et je ne peux faire autrement que me questionner là-dessus. »
Le texte met aussi en scène les rapports entre différentes nations autochtones. Parce qu'il y a aussi des peurs entre nations amérindiennes, par exemple entre Innus et Inuits.
« C'est très rare, un couple formé de deux nations autochtones différentes », dit Natasha, qui espère toujours que ses écrits « servent à quelque chose ».
À part de ça?
Ce qui est le cas depuis Kuei, je te salue (Écosociété), un essai coécrit avec Deni Ellis Béchard né à la suite d'une chronique de Denise Bombardier. La journaliste avait qualifié la culture autochtone de
« mortifère et antiscientifique », après le décès d'une jeune fille de 11 ans, atteinte de leucémie, qui avait refusé la chimiothérapie au profit de la médecine traditionnelle de son peuple.
« Je ne pensais jamais qu'au Québec, quelqu'un pouvait se permettre de déclarer ça publiquement à propos d'une autre culture. Avec un groupe de femmes innues, je suis allée la confronter au Salon du livre de Sept-Îles, le salon le plus fréquenté par les Innus... Deni était présent et avait salué tout ça. »
Le livre a suscité une tournée des salons du livre et des écoles. « Le sujet touche beaucoup les jeunes Innus. Ils ont beaucoup de choses à raconter. »
Vous voulez y aller ?
Table ronde Identité, territoires et appartenance
Avec Natasha Kanapé Fontaine, Monia Mazigh et Jean Boisjoli
Samedi 15 octobre, 11 h 30
Rencontre avec l'auteure, 13 h 15
Salon du livre de l'Estrie
Conversation sur le racisme
Le Tremplin, 19 h 30 à 21 h 30
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Vous voulez lire ?
AUTEURS VARIÉS
Amun
Stanké
168 pages
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Michel Jean, Directeur du recueil
« L'enthousiasme de Natasha a été pour beaucoup dans la réalisation de ce livre. L'idée était de réunir une dizaine d'auteurs autochtones chez une maison d'édition reconnue pour affirmer notre présence, mais aussi faire connaître de nouvelles plumes. Il y a dix ans, il aurait été très difficile de regrouper autant de voix autochtones différentes. Je leur ai donné carte blanche et je suis très heureux de la diversité du résultat. Sur la dizaine de textes, il y en a autant ancrés dans les traditions que dans la modernité. Plusieurs nations (innu, huron-wendat, cri) sont représentées, de même que plusieurs générations (Alyssa Jérôme a déjà publié deux romans à 17 ans, et la poète Joséphine Bacon, notre aînée, a 69 ans). C'est à elle, d'ailleurs, que je dois mon titre. J'en avais un autre en tête, mais Joséphine, qui était aussi enthousiaste que Natasha, m'a dit : "Michel, ce livre-là, c'est un rassemblement : un amun!" »