Les punaises de lit pullulent à Sherbrooke

Les punaises de lit s'accrochent

Tous ceux qui ont déjà été envahis par des punaises de lit connaissent l'enfer que ces bestioles de la taille d'un pépin de pomme peuvent faire traverser : mis à part le dégoût de savoir que l'on sert de buffet une fois la nuit tombée, il y a aussi la crainte constante d'en apercevoir partout où l'on met les pieds et la honte d'avouer à son entourage que l'on vit au milieu d'insectes suceurs de sang, même si, en réalité, ceux-ci ne sont pas davantage attirés par les logis insalubres que par les maisons brillantes de propreté.


Selon Martin Beaudry, propriétaire de l'entreprise spécialisée en gestion parasitaire Solution Cimex, les punaises de lit se font de plus en plus rares à Granby, d'où il est originaire. Mais à Sherbrooke, rien ne va plus : le nombre d'immeubles à logements et de résidences privées infestés ne cesse de croître, à un tel point que la situation pourrait bientôt se comparer à celle de Montréal, où ces insectes représentent un problème majeur de santé publique.

« Depuis un an, on remarque en effet une recrudescence des punaises de lit en Estrie, particulièrement à Sherbrooke. Nous avons des demandes au quotidien, et on a même un exterminateur qui a fait ça à temps plein tout l'été », confirme Jocelyn Mâsse, directeur général de Groupe Cameron, une autre entreprise d'extermination.

De son côté, la directrice de la Santé publique de l'Estrie, Mélissa Généreux, explique que comme les punaises de lit ne sont pas liées à l'éclosion de maladies infectieuses,

aucun organisme n'est dans l'obligation de signaler ce problème. Toutefois, elle atteste que la présence de ces insectes dans la région est assurément plus importante aujourd'hui qu'il y a dix ans.

« À Sherbrooke, il y a énormément d'immeubles à logements, et à cause du grand nombre d'étudiants, ça bouge beaucoup, ce qui peut contribuer à la propagation des punaises, affirme Martin Beaudry. L'immigration fait aussi une différence à mon avis, parce si tu es un immigrant qui arrive à Sherbrooke et que tu as la chance de te trouver un loyer, ce qui peut être difficile, et qu'il y a des punaises de lit, ça se peut que tu décides de tolérer ça. Certaines cultures ne comprennent même pas notre aversion pour ces insectes-là, puisqu'ils ne tuent pas! »

Les spécialistes attribuent également la prolifération de ce parasite à la faiblesse de l'économie actuelle, qui incite plusieurs personnes à récupérer des meubles usagés sur la rue.

« S'il y avait des punaises sur un meuble qu'on laisse à la rue, la plupart risquent de partir, mais il peut rester des oeufs. Comme les oeufs sont transparents et très petits, ils ne sont pas évidents à voir. Si les gens tiennent quand même à apporter un meuble usagé chez eux, ils peuvent regarder s'il y a des taches noires en dessous, formées par des excréments de punaises », conseille M. Beaudry.

Détresse psychologique

Parfois, ceux qui sont aux prises avec une infestation de punaises de lit sont si embarrassés par cette situation qu'ils choisissent de se taire et tentent de régler le problème par eux-mêmes, une solution qui s'avère rarement efficace.

« Les gens s'imaginent que les punaises de lit s'attaquent juste aux gens pauvres, qui n'entretiennent pas leur maison ou qui sont sales, alors que ça n'a aucun rapport. Ça fait en sorte que ceux qui vivent avec des punaises de lit ont honte d'en parler », fait valoir M. Beaudry.

« On le voit même quand on arrive dans les quartiers chics, la première question que les clients posent, c'est : avez-vous des camions lettrés? Quand on leur répond que non, ils sont soulagés, parce qu'ils avaient peur d'être identifiés par les voisins. Il y a aussi des personnes qui n'en parlent pas parce qu'elles ont peur d'être isolées, que plus personne ne veuille venir chez eux. »

Bien que les punaises de lit ne transmettent aucune maladie, leur présence peut mener à de la détresse psychologique, justement en raison de la stigmatisation entourant ce problème, entre autres.

Pourtant, lorsqu'une infestation de punaises est rapidement signalée et prise en main par un exterminateur certifié, elle peut généralement être contrôlée dans un délai raisonnable. L'usage de vapeur par les exterminateurs permet notamment d'éradiquer la majorité des insectes, des larves et des oeufs le jour même de son utilisation, et une deuxième visite quelques semaines plus tard suffit habituellement à anéantir l'ensemble des punaises.

La partie la plus éprouvante de la tâche consiste à préparer son logis en vue de l'extermination et à continuer de dormir dans la pièce infestée pour éviter que les bestioles se propagent, malgré l'insomnie qu'elles peuvent causer.

« Je n'ai jamais vu de cas où le gars met le feu à sa maison, comme on peut voir à la télévision, rigole Martin Beaudry. Ces émissions-là, ça fait peur aux gens et ça leur donne la fausse impression qu'il n'y a pas de solutions, alors qu'il y en a. »