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Je n'ai pas été un Erasmus, comme le personnage principal, Xavier. Je n'ai donc pas étudié à l'étranger, partagé mon logis avec d'autres jeunes adultes à la recherche d'aventures, ou gratté les fonds de tiroir pour pouvoir manger à ma faim dans une ville où je n'avais pas encore de repères.
Mais la trame de l'histoire a touché une fibre sensible. En images, en mots, avec un récit bien particulier, on peint toutes les subtilités, toutes les petites angoisses et tous les minuscules bonheurs que l'exil, temporaire ou prolongé, peut apporter.
Il y a surtout ce passage, brillant, criant de vérité et de lucidité, qui résonne tellement fort qu'il me trouble encore. En arrivant à Barcelone, le personnage de Romain Duris s'improvise philosophe :
« Quand on débarque dans un nouvel endroit, tout est inconnu. Vierge. Plus tard, on aura habité cette ville. On aura marché dans ses rues. On aura été au bout des perspectives. On aura connu ses bâtiments. On aura vécu des histoires avec des gens. Cette rue, on l'aura prise 10 , 20 , 1000 fois. Au bout d'un moment, tout ça nous appartient parce qu'on y aura vécu. »
Je le prends au sens large. Qu'on ait l'intention de rester ou pas, au bout de quelques jours au même endroit, on peut dire qu'on y a vécu.
Surtout, il y a toujours cette douleur lancinante, tellement subtile, dissimulée très creux, mais bien présente, de savoir qu'il n'y aura jamais deux premières fois. Que la première impression qui se forge au moment où nos yeux se posent sur un nouvel endroit pourra évoluer, mais demeurera toujours la première impression.
Ces premières odeurs, ces premiers visages qui apparaîtront au hasard de la vie, ils seront porteurs d'angoisse, d'émerveillement, de déceptions ou de joies.
Ces premiers pas dans la ville, à la recherche d'un taxi, du métro, tout le poids du voyage dans les valises, toute la fatigue d'un long vol dans la tête et dans les jambes, ils sont rarement grandioses. On assimile sans faire attention. Et quand on repassera, toute attention dehors, l'effet de surprise en demeurera gâché. Parce qu'on aura vu sans avoir apprécié.
Je me souviens de mon premier passage à Paris. Bien sûr, j'ai pris le métro direction Trocadéro. De l'esplanade du même nom, je l'ai vue. Elle était là, la tour Eiffel, majestueuse et fière, plantée au milieu du décor comme si de rien n'était. Irréelle! J'étais émerveillé. J'ai déroulé la pellicule de mon appareil photo à n'en plus finir. J'ai pris autant de clichés que si j'avais eu un appareil numérique. Éberlué.
Je suis retourné à Paris. La tour Eiffel se tenait là, bien entendu. Comme attendu! J'ai eu envie de la revoir, ne vous méprenez pas, mais il n'y avait plus d'aventures à essayer de la trouver. Je connaissais le chemin. Paris n'était plus un cadeau à déballer, mais un souvenir auquel je redonnais vie. Et subitement, je réalise que la capitale française, quand j'y suis, n'est plus la somme d'attractions touristiques. Elle est l'addition des cafés, des individus, des bons moments passés au coin d'une rue.
Étrange comme tout se transforme. Étrange, quand on réalise dans le métro de Pékin, qu'on en est venu à se déplacer avec aisance, même si on craignait de ne rien y comprendre. On monte dans les wagons, on bouscule le voisin pour faire sa place, comme le font les Chinois, et on se démêle comme si on y avait toujours vécu.
Je me souviens avoir cherché mon auberge dans la canicule, en passant devant la place Tian'anmen, en ne prenant même pas le temps de m'arrêter pour l'admirer. J'ai foncé, ai parcouru trop vite de jolies ruelles dans l'espoir de pouvoir me poser rapidement.
De toutes les places au monde, j'ai fait mienne une Chine à des lieues de ce que je connaissais. J'y ai vécu des histoires avec des gens. J'ai parcouru ses rues 10 , 20 , 100 fois. J'ai tout à coup fait tomber des frontières qui n'existaient en fait que dans ma tête...
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