Avant de partir pour le petit pays situé dans l'océan Indien, on retient que trois excursions valent qu'on y enfile nos chaussures de marche. Le rocher de Sigiriya, aussi connu comme étant le rocher du Lion, constitue un bon entraînement pour les deux autres promenades.
Marcher dans les plaines, sur un trajet qui mène au « bout du monde », prendra quelques heures, surtout pour contempler le paysage le long du parcours de près de 10 km.
Le vrai défi, celui qui mettra les cuisses de tout grimpeur à l'épreuve, il s'appelle Sri Pada. Les intimes le connaissent aussi sous le nom de pic d'Adam.
Pourquoi y aller? Parce que le pic d'Adam porte le nom du premier homme ayant foulé la planète Terre. Parce que c'est là, paraît-il, qu'Adam est apparu. Si jamais c'était vrai, on s'en voudrait d'être passé à côté.
Si certains croient qu'une cavité au sommet n'est rien de moins que l'empreinte dudit Adam, d'autres y voient la forme du pied de Bouddha, de Vishnu ou de Shiva. Je ne pourrais pas vous dire... Un temple a été construit par dessus.
Déjà, le trajet vers la montagne elle-même peut en décourager certains. On s'arrête en train à Hatton avant de prendre un bus pour Dalhousie, nichée une bonne heure et demie plus loin.
C'est beau, la route entre Hatton et Dalhousie. C'est plein de lacets qui s'emmêlent et se démêlent, avec des plantations de thé sur le côté. On prend un virage toutes les dix secondes. Être assis sur la roue arrière nous permet de constater que la route n'est pas bien large et qu'il n'en faudrait pas beaucoup pour que nous basculions dans le vide. Coeurs sensibles s'abstenir.
À Dalhousie, c'était le calme plat. Il s'agit du camp de base pour les grimpeurs. Tradition oblige, on s'élance en milieu de nuit pour attraper le lever du soleil au sommet. Entre-temps, quelques vendeurs de victuailles et de babioles s'activent pour soutirer un peu de monnaie aux étrangers. Et on se négocie une chambre d'hôtel.
Le défi devant nous : plus de 5000 marches pour gravir les 2243 mètres de la montagne. Recommandation des guides de voyage : limiter la consommation des boissons vendues le long du trajet, salubrité oblige.
L'ascension s'annonce éreintante. Et elle l'est. Mieux vaut dormir un brin, faire le plein de bouteilles d'eau et de collations avant de partir. Quand le soleil se couche et enveloppe la montagne d'un ciel oranger, il faut se rendre au lit également.
Vers 2 heures du matin, c'est le début de l'aventure. Le pic d'Adam n'est qu'une masse sombre sur un fond sombre. Des luminaires, tellement petits vus d'en bas, tracent la voie le long de ses flans. Et il y a une espèce de silence, de calme que la nuit a déposé sur le petit hameau.
Et on s'élance! En théorie, on doit compter trois heures pour atteindre le sommet à un rythme moyen mais soutenu. La fatigue, toutefois, peut rapidement nous tirer vers le bas. Plus on s'élève en altitude, plus les escaliers deviennent abrupts. Là où il y a de l'espace pour manoeuvrer en bas de montagne, il faut être courtois en haut, quand les pèlerins s'entassent lentement.
Après un temps, on sent bien l'acide lactique. Les mollets crient un tantinet. Mais on se tait en regardant la population locale qui met toute son énergie pour compléter la randonnée. Pour nous, c'est un défi physique. Pour eux, c'est un pèlerinage.
On voit des vieillards grimpant lentement mais sûrement, en s'appuyant sur deux plus jeunes. On voit de jeunes pères transporter un ou deux enfants sur leur dos, dans leurs bras, et qui parviennent à nous dépasser. On voit une femme, unijambiste, répéter 5000 fois la même danse avec sa béquille pour se rapprocher un peu des divinités.
On a mal aux genoux, mais on se la ferme.
Quand tout le monde s'émerveille d'apercevoir le soleil, en haut, vers 6 h du matin, c'est plutôt l'ombre parfaitement triangulaire de la montagne, qui s'appuie sur les nuages, vers 7 h, qui laisse pantois. On dit que cette ombre est divine.
Enfin on finit bien par redescendre, idéalement par les mêmes 5000 marches, pour ne pas se retrouver de l'autre côté de la montagne. Détenteurs de podomètres, la journée est mal choisie pour laisser votre gadget dans la chambre d'hôtel.
Fatigue, fatigue, quand tu nous tiens... La descente peut s'avérer plus longue que l'ascension, quand nos jambes flageolantes réclament une pause. Mais les pauses, elles ne font que liquéfier les jambes encore davantage. Faut pas trop s'attarder.
Le chemin n'en finit plus de finir, à la clarté, mais on se dit qu'on a bien dompté l'équivalent de l'Himalaya avec toutes ces enjambées. Fierté!
Si vous n'avez pas pris assez de photos, vos jambes vous rappelleront pendant plusieurs jours qu'elles vous ont rendu un fier service en vous portant jusqu'au sommet du pic d'Adam.
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