Détresse psychologique plus importante chez les personnes trans

« C'est prouvé dans les études que les trans font face à plus de discrimination que les autres, que ça amène plus de détresse. Il y a plus de crimes haineux à leur endroit, plus de discrimination à l'emploi...», fait remarquer le psychologue Marc-André Raymond.

La réalité des personnes transgenres commence à être moins taboue, mais la détresse psychologique que vivent ces individus tout au long de leur cheminement demeure bien réelle. Si les obstacles sont parfois nombreux sur la route de l'acceptation, c'est surtout la norme sociale qu'on doit remettre en question, selon le psychologue Marc-André Raymond.


« En région, il y a très peu de ressources, autant pour la santé physique que pour la santé mentale des personnes trans. Par exemple, il n'y a que moi à Sherbrooke qui pratique au privé, alors que dans le réseau de la santé, il n'y aussi qu'une seule personne. Pour ceux qui sont de l'extérieur de la ville, c'est plus compliqué », explique M. Raymond.

Les personnes trans vivant en région sont souvent confrontées au manque de ressources, si bien qu'elles doivent se rendre à Montréal ou Québec, à leurs frais, pour recevoir de l'aide. « Certains avouent se priver pour être en mesure de se payer mes services », admet Marc-André Raymond.

C'est dire à quel point la détresse est grande. « C'est prouvé dans les études que les trans font face à plus de discrimination que les autres, que ça amène plus de détresse. Il y a plus de crimes haineux à leur endroit, plus de discrimination à l'emploi... Ils font face à des questions ou des commentaires inappropriés. On peut croire qu'ils seront à l'aise de répondre à toutes nos questions sur leur corps ou leur chirurgie, mais ça peut les amener à se sentir comme une bête de cirque. »

Soutien familial

Selon M. Raymond, ceux qui reçoivent le soutien de leur famille et de leur entourage s'en sortent significativement mieux. « Ils ont moins d'idées suicidaires, moins d'automutilation. »

Il reste que ce sont les normes qu'il faut changer, selon le psychologue. « Un jeune qui se questionne sur son identité de genre s'inscrira dans quelle équipe sportive, dans quelle école privée unisexe? Quel genre doit-il cocher lors de son inscription au cégep? Sera-t-il à l'aise avec son nom de garçon ou son nom de fille quand il sera interpellé? Le fait d'avoir des espaces publics neutres est un pas dans la bonne direction. Nous avons un effort collectif à faire pour minimiser les petits accrocs.

« J'en viens à croire que les transgenres partent parfois avec deux prises contre eux. La socialisation des hommes n'est pas parfaite. On ne les encourage pas à consulter, à identifier leurs émotions. Mais on n'incite pas les gens à consulter, point. Il faut requestionner nos normes sociales. »

D'un côté, les transgenres qui souhaitent avoir accès à l'hormonothérapie ont l'obligation de consulter un professionnel, qu'il s'agisse d'un sexologue ou d'un psychologue. « Nous devons déterminer si la personne est apte à consentir aux traitements médicaux et à faire face à la transition. Il faut s'assurer qu'elle ne se retrouvera pas toute seule ou qu'elle agit à l'insu de sa famille. Ça peut donner l'impression qu'on doute de leur capacité à juger eux-mêmes de leur situation. On ne demanderait pas à quelqu'un qui doit recevoir de la chimiothérapie de consulter un psychologue avant, donc il peut sembler que ce ne soit pas tout à fait équitable par rapport à d'autres traitements. »

Précautions

Même si une formation spécialisée n'est pas nécessaire pour intervenir auprès des personnes trans, l'incompréhension d'un intervenant peut causer plus de tort que de bien. « Il est fortement recommandé de développer des compétences différentes avant d'intervenir. Il n'est pas légal ni éthique d'amener une personne qui se questionne à changer son identité de genre. Il y a un danger de poser une question inappropriée en cours d'évaluation et il faut prendre plus de précautions chez l'enfant ou l'adolescent. »

Marc-André Raymond prévient qu'il ne fait pas confondre goûts et préférences. « Ce n'est pas parce qu'un garçon aime jouer avec des poupées qu'il est transgenre... »

M. Raymond ne voit toutefois pas très souvent des parents qui lui demandent de « guérir » leur enfant. « Quand ça se produit, c'est au professionnel d'expliquer au parent son rôle dans la situation. On peut accompagner un enfant sans forcer une identité. »

Le psychologue indique que sa clientèle est majoritairement âgée entre 18 et 25 ans. « On en voit plus qu'il y a 15 ans. On commence à démystifier les transidentités, même s'il reste beaucoup de travail à faire. »