Attention: motocycliste dangereux

Pour circuler autour des temples de Bagan, il arrive qu'on se permette de sortir des sentiers battus avec une motocyclette électrique.

CHRONIQUE / L'heure est à l'humilité : je n'ai vraiment pas tous les talents. Je ne parle que deux langues et des bribes de quelques autres dialectes. Je cherche encore comment négocier efficacement, même si j'arrive à obtenir des réductions sur les prix qu'on exige de moi. Surtout, je manque de coordination et de talent pour conduire une motocyclette.


Oui, c'est un vrai problème quand je décide de jouer les aventuriers. Je tente de maîtriser la monture, qui ne ronronne pourtant pas très fort sous mon poids, et je ne peux que me rendre à l'évidence : vaut mieux ne pas me lancer dans la circulation dense. Je serais un danger pour moi et pour les autres.

Ainsi, je choisis la plupart du temps le rôle de passager sur n'importe quel deux roues, sans pour autant réduire mon facteur de dangerosité. J'ai l'impression de perdre l'équilibre, de tomber, ou je me prends dans le vent et il faut me rappeler de me tenir tranquille.

Mais c'est quand le talent nous fait défaut qu'il faut essayer plus fort, pas vrai?

Bagan, en Birmanie, est un terrain de jeu immense. Le complexe de quelque 3000 temples bouddhistes dispersés dans une plaine sablonneuse peut nous occuper pendant plusieurs jours.

Les images sont à couper le souffle. Les stupas se découpent à perte de vue sur un horizon orangé au lever du soleil. Les montgolfières les survolent pour offrir un spectacle époustouflant autant aux passagers des nacelles qu'à ceux qui observent l'envolée.

Un scénario semblable, les montgolfières en moins, rallie les visiteurs quand le même soleil s'enfuit pour la nuit.

Entre les deux, il y a beaucoup de temps au sablier pour se faufiler au coeur de la plaine, là où les autres touristes n'osent pas nécessairement aller. Plusieurs se procureront un plan du site, sur lequel les principaux temples sont indiqués, et se contenteront de visiter les plus grosses structures, celles où, forcément, les vendeurs de babioles s'entassent pour faire des affaires.

Les autres, comme moi, feront fi d'avoir deux mains gauches et loueront une motocyclette électrique. Les engins à moteur sont interdits pour les touristes à Bagan.

Pour dix dollars environ, on vous promet une batterie qui tiendra toute la journée et vous pourrez atteindre des pointes de 55 km/h dans les pentes descendantes. Heureusement, au moment de ma location, je n'avais pas encore croisé tous ces éclopés de Bagan.

En Birmanie, quand on fait la rencontre d'un Occidental portant un bandage à un bras ou à une jambe, on peut parier sans trop de chances de se tromper qu'il s'est blessé en motocyclette. Elle s'est probablement renversée pour lui laisser un souvenir qui mettra du temps à guérir.

Comme quoi il y a pire que moi... ou moins chanceux.

Après une première journée où le seul incident a été une panne de batterie, j'ai entamé avec enthousiasme une deuxième journée à jouer les motards de fortune. Avec pas de casque, bien sûr. L'appareil photo dans le cou, les lunettes de soleil, les culottes courtes, pis

toute, pis toute...

Je me suis éloigné des routes principales pour découvrir les semblants de villages, les coins reculés, les temples à demi restaurés. Le bitume a lentement laissé la place à de la terre battue, qui s'est transformée en sable...

Deux roues, un zigoto à l'équilibre défaillant et du sable pour déstabiliser tout ça : une recette magique pour une catastrophe. Arrivant à peine à avancer, j'ai pris une (mauvaise) décision en quelques secondes en apercevant un énorme bosquet au milieu de la (pas de) route. Un motard contre un bosquet? J'avais toutes les chances de gagner.

J'ai accéléré, convaincu que je remporterais la bataille. Je n'avais toutefois pas aperçu les épines énormes qui protégeaient justement le bosquet contre les motards nigauds. J'ai perdu! Lacérations superficielles aux jambes, aux bras et au visage en prime. La motocyclette, ça me rend un peu con.

J'ai donc entrepris de rentrer en prenant un autre raccourci dans une route pourtant plus passante. On ne m'y reprendra plus à défier le sable sur deux roues. Le petit véhicule électrique s'est laissé glisser sur le côté pour me projeter le visage dans le sable et le guidon dans le ventre. La motocyclette poids plume s'est aussitôt échouée sur ma jambe.

Rien de cassé. Bandages : zéro. Juste une petite leçon : la bicyclette, c'est plus lent, moins cher, et plus zen. On ne m'y reprendra plus. Et oubliez les quatre-roues : eux aussi cherchent à me blesser. Mais ça, c'est une autre histoire.

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