Le début du cauchemar de la famille Rhéaume-Caron commence en 2012 avec l'achat de leur première maison dans un quartier résidentiel de l'Est de Sherbrooke. La Tribune a rencontré la famille dans sa maison où l'odeur d'humidité est marquante dès l'arrivée. Après 45 minutes, l'entrevue prend fin. Importunés par l'air ambiant, on quitte les lieux. Tous les vêtements devront être lavés à l'eau chaude pour que l'odeur disparaisse.
Depuis quelques semaines, la famille a déménagé chez une connaissance. Épuisé physiquement, psychologiquement et financièrement, le couple lance un cri du coeur. Ne sachant plus vers qui se tourner, il demande de l'aide à tous.
Comme un SOS inscrit dans le sable avec l'espoir d'un sauvetage, Nancy Rhéaume et Pierre Caron racontent leur histoire.
La maison rêvée
« En 2012, nous étions parents d'une fillette de bientôt 2 ans et nous venions d'apprendre que nous allions avoir un autre enfant. Nous souhaitions avoir une maison pour que nos enfants y grandissent. En plus de se trouver dans le quartier que nous convoitions, près d'une école, cette demeure possédait un sous-sol récemment fini, ce qui nous permettait d'accueillir mon beau-père atteint d'un cancer en phase terminale », raconte Mme Rhéaume.
Après une première visite de la maison, le couple se montre très intéressé. Le vendeur suggère de rapidement faire une offre d'achat parce que la maison nouvellement en vente avec DuProprio serait très convoitée. Les voisins se plaindraient même du trafic occasionné par les visites multiples.
Nancy Rhéaume et Pierre Caron s'empressent donc de faire appel à un expert pour une inspection préachat. Le vendeur est présent lors de cette inspection. D'ailleurs, pendant que le couple Rhéaume-Caron fait le tour de la résidence avec l'inspecteur, ce dernier écoute à répétition un message vocal laissé sur son répondeur par un acheteur potentiel très intéressé à la propriété, s'assurant que tout le monde entende bien.
« Chaque fois que l'inspecteur lui demandait quelque chose, le vendeur, qui avait l'air nerveux, répondait qu'il n'était pas certain et qu'il allait répondre au meilleur de sa connaissance. L'inspecteur lui a même répliqué : ben voyons, c'est bien toi qui habites ici? » se souvient le couple.
L'inspecteur trouve trois fissures dans le solage de la maison, mais il mentionne que ce sont des fissures de surface, que cela est très fréquent et que cela ne cause aucun problème. Il remarque aussi un peu d'eau dans la trappe du plancher près du drain français, mais l'inspecteur mentionne que si le drain était bouché, la quantité d'eau serait supérieure et la couleur moins claire.
« Chaque fois que l'expert inspectait quelque chose, il mentionnait que ce n'était pas grave, mais pour être sûr, il suggérait toujours de faire inspecter par une personne qualifiée en la matière. Il banalisait tout. Nous lui avions même demandé s'il serait tenté d'acheter la maison avec une telle inspection. Il nous a répondu qu'il n'avait pas le droit de répondre, mais que selon lui, la maison était en bon état et elle ne présentait pas de problème majeur », dit le couple qui, à partir de ces réponses, fait sur-le-champ une offre d'achat, ne souhaitant pas perdre cette opportunité.
À l'hôpital
Nancy Rhéaume et Pierre Caron passent chez le notaire le 15 juin 2012. Dès les premières semaines après le déménagement, leur fillette de 2 ans commence à éprouver des difficultés respiratoires. Elle a le nez qui coule et une toux sévère. Le père aussi commence à faire de l'asthme pour la première fois de sa vie.
Des médicaments et des pompes pour traiter l'asthme sont nécessaires. La famille apporte quelques changements dans son environnement, espérant que la situation s'améliore. Elle se débarrasse du chat, met de côté tous les jouets en peluche.
Malheureusement, les choses ne s'améliorent pas avec le temps et la médication. La fillette doit faire des prises de sang, des radiographies et des tests pour déceler les problèmes reliés à l'asthme.
« Le 24 octobre 2012, le père de mon conjoint est décédé à l'hôpital et nous n'avons jamais été en mesure de l'accueillir à la maison vu son état de santé trop fragilisé par le cancer et la chimiothérapie. C'était trop risqué pour lui puisque nous soupçonnions des problèmes reliés à la maison », déplore Mme Rhéaume.
« En fait, il est venu chez nous quelques jours, mais son état s'est tellement détérioré qu'il a dû retourner à l'hôpital », précise M. Caron.
Trois semaines après le décès du père de Pierre, la deuxième fille du couple est née. « Dès les premières semaines à la maison, elle a également éprouvé des problèmes de santé. À cinq semaines de vie seulement, le 25 décembre 2012, nous avons passé des heures à l'urgence, à la pédiatrie, en observation. Elle toussait beaucoup et elle présentait quelques difficultés respiratoires », raconte la mère.
Plusieurs consultations sont nécessaires avant qu'un médecin affirme que l'environnement dans lequel la famille vit pourrait être la source de leurs problèmes de santé.
« Le 24 décembre 2013, nous avons consulté un pédiatre, le Dr Serge Thérien, qui nous a indiqué que, dès que nous sommes entrés dans son bureau, il a senti l'odeur d'humidité se dégageant de nos manteaux et il nous a suggéré de demander une nouvelle inspection. »
Début janvier, le couple consulte un avocat spécialisé en matière de vices cachés. Des mises en demeure sont envoyées et reçues.
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Bonheur en déclin
Entre temps, le bonheur de la famille s'effondre. « La situation devient tellement invivable qu'elle cause une grande source de stress. Voir nos enfants malades, se sentir impuissant par manque de ressources financières. Nous devons nous absenter régulièrement du travail pour nous occuper d'eux. Nous passons beaucoup de temps dans les cliniques, les hôpitaux, à aller consulter des médecins, sans compter les nuits à ne pas dormir beaucoup pour prendre soin des enfants. Nous appréhendons toujours les journées pluvieuses à cause des conséquences sur notre maison et notre état de santé », relate le couple dans la fin trentaine.
Des gens de leur entourage prennent leur distance. « Une des pires choses, c'est de ne pas être cru. C'était invivable chez nous et pendant des mois, les gens semblaient croire qu'on exagérait », racontent les parents en couple depuis une vingtaine d'années.
Leur plus jeune fille est conduite par ambulance à deux reprises à l'hôpital, car elle a des convulsions fébriles. S'ajoutent à cela des problèmes de petits rongeurs et de perce-oreilles.
Tout cela fait en sorte que le père de famille sombre dans une dépression qui le force à arrêter de travailler pendant 15 semaines. « C'est difficile de ne pas pouvoir assurer le bien-être de ta famille. Le stress est difficile sur le couple aussi. J'ai eu des idées très noires. Je ne voyais pas le bout », explique-t-il.
En août 2014, alors que leur fille aînée âgée maintenant de 4 ans se relève d'une pneumonie, le couple fait appel à une autre firme d'inspection afin d'investiguer les lieux à la recherche de signes de moisissures ou champignons pouvant expliquer leurs nombreux problèmes de santé. Le deuxième inspecteur découvre une grande fissure dans le solage de la maison sous le balcon arrière. « Après la prise de possession de la maison, nous avons dû enlever de nombreuses planches empilées sous le balcon arrière justement devant la grande fissure et comme un inspecteur ne bouge aucun obstacle lors de l'inspection visuelle, personne ne l'avait vue lors de la première inspection », relate le couple.
Selon le deuxième inspecteur, il est évident que la fissure est en partie ou en totalité responsable de l'infiltration d'eau et des problèmes de santé qui en découlent.
En juillet 2015, un rapport d'analyse et inspection de la qualité de l'air confirme l'hypothèse. Pour l'ensemble des échantillons intérieurs prélevés, les résultats ont démontré une quantité considérable de Penicilliums, d'Aspergillus et de Stachybotrys, des champignons absents de la distribution extérieure, indiquant une source de contamination intérieure qui doit être éradiquée. La présence en grande quantité de Stachybotrys représente particulièrement un danger pour la santé humaine.
Et pendant ces trois années, les dépenses se multiplient. La famille a jeté pour plus de 7000 $ de meubles et vêtements. Elle a dépensé 15 000 $ pour changer les drains. Près de 2000 $ pour des rapports d'inspection et autant en frais médicaux.
« Nous avons travaillé très fort financièrement pour nous permettre une maison, offrir un toit à nos enfants, un endroit sécuritaire. Au lieu de cela, nous leur offrons une maison qui met leur santé en jeu, un lieu qui les rend malades quasi quotidiennement », explique la Mme Rhéaume, qui travaille pour la Ville de Sherbrooke alors que M. Caron est technicien en positionnement chez Physipro.
Malgré toutes ces dépenses, le couple n'a jamais manqué un paiement de son hypothèque. Mais il sera peut-être contraint malgré tout de déclarer faillite.
« Nous sommes aux prises avec une maison invivable, une maison invendable dans cet état, sous peine d'être poursuivi, et une maison non assurable pour les dégâts d'eau. Nous sommes dans une impasse, car peu importe ce que nous décidons de faire, la maison est en si mauvais état que nous ne pouvons couvrir tous les frais », désespère le couple.
Et même si la famille enlève l'élément monétaire de l'équation, elle est perdante. « Il y a des choses qui ne se rachètent pas. Les trois premières années de la vie de ma fille. Le fait de ne pas avoir pu accueillir mon beau-père dans ses derniers moments. Les Noëls passés à l'hôpital », conclut la mère en rêvant d'un dénouement heureux.