Diane Breton en connaît un bout, elle, sur la solitude des aînés. On pourrait dire que la directrice de la section estrienne des Petits Frères en fait une affaire personnelle, mais c'est justement parce que tout au contraire, elle en a fait une affaire complètement collective, qu'il y a en région une armée de bénévoles et de professionnels qui brisent la solitude à grands coups d'amour et de présence.
On en parle souvent à ce moment-ci de l'année, parce que Noël, tous ces gens en famille, les souvenirs, la nostalgie; les Petits Frères en font encore un petit peu plus, visitant cadeaux et repas sous le bras les Vieux Amis qui ne peuvent se déplacer, accueillant pour un repas de Noël ceux et celles qui sont encore bien mobiles. Les 24 et 25 décembre, tradition et générosité obligent, les Petits Frères se déploient sur la solitude avec amour.
Mais la solitude et les Petits Frères passent outre les Fêtes.
Diane Breton est éducatrice spécialisée de formation, a un curriculum vitae impressionnant, 16 années de service chez les Petits Frères, aucune envie de quitter sa gang avant des années. Quand on lui demande s'il y a un profil particulier parmi ses Vieux Amis, elle confie que non. Bien sûr, parmi ces aînés de 75 ans et plus, quelques cas de précarité, de santé mentale ou de familles dysfonctionnelles, des orphelins de toujours, des célibataires sans enfant, plusieurs femmes aussi, aînées ou cadettes de familles nombreuses, qui auront été le bâton de vieillesse de leurs parents avant de se retrouver fin seules, sans conjoint ni enfant. Mais la directrice le raconte de sa voix douce, la plupart des Vieux Amis sont des retraités comme les autres. « Ils ont perdu leur réseau petit à petit, après la retraite, lorsque le quotidien s'est effrité, que les rencontres se sont distancées, que leur permis de conduire leur a été retiré, que la santé a décliné ou que les enfants se sont éloignés. Ils se sont retrouvés isolés. »
Heureusement, note encore Diane Breton, le réseau estrien parvient à les identifier et les référer aux Petits Frères. Au premier contact, parfois, il y a une certaine réticence, que ce soit du déni, le refus de déranger ou encore un brin de fierté. C'est un peu pour ça qu'on a chassé le « des pauvres » qui suivait les Petits Frères. Parce que l'organisme ne s'adresse pas qu'aux démunis, mais à tous les aînés en situation d'isolement envers lesquels les Petits Frères prennent d'ailleurs un engagement à vie.
« À moins que leur situation ne change parce que des proches reviennent s'occuper d'eux, nous, on est là pour la vie. Et même vers la fin, quand c'est le moment d'accompagner la fin de vie », assure Diane Breton avant de nous entraîner pour une visite de la maison Jean-Besré, sur Bowen Sud. Pas un château, mais une petite maison bien chaleureuse et adaptée où on se sent vite chez soi. C'est d'ailleurs là qu'ont lieu les nombreuses activités organisées par les intervenantes et les bénévoles, des conférences aux ateliers, des activités aux fêtes.
« Les tricoteuses s'installent ici pour préparer des tuques, des foulards, des mitaines qu'elles envoient ensuite au Service d'aide aux Néo-Canadiens. C'est le fun de voir un nouvel arrivant ivoirien coiffé de la tuque confectionnée par une de nos Vieilles Amies. Tout le monde a l'impression d'être utile », raconte Diane Breton avant d'ajouter qu'on commence à manquer de laine, si jamais un généreux donateur avait envie d'aider. On se permettra de renchérir à l'intention de ceux et celles qui n'ont pas de laine en surplus que les Petits Frères vivent grâce aux dons, nos dons.
On ne sait jamais, ça pourrait bien nous revenir un jour de Noël...