« J'étais seule et je devais aller faire l'épicerie. Sur plusieurs points, j'étais démunie», témoigne celle qui n'a jamais eu d'enfant et qui est veuve depuis les années 1970.
Les premiers temps en résidence n'ont pas été faciles. « Il faut le dire, j'étais dépressive. Je ne suis pas la seule à qui ça arrive après un déménagement en résidence », lance avec aplomb Mme Alix.
La nièce de cette dernière confirme que son état d'esprit s'était assombri. « Avant d'entrer en résidence, ma tante ne s'alimentait déjà presque plus. Ne voulait pas changer de vêtement. Elle était déjà dépressive avant le déménagement, mais ce changement a aggravé sa condition. Elle parlait de moins en moins et était encore plus aigrie », raconte Hélène Roy, ajoutant que la dépression est un symptôme fréquent chez les gens souffrant d'Alzheimer et que la solitude et l'isolement qui accompagnent souvent la vieillesse ne font rien pour aider.
Pourtant depuis quelques mois, Mme Roy a vu le comportement de sa tante s'améliorer de façon « presque miraculeuse ». La nièce attribue cette nouvelle joie de vivre à la zoothérapie.
Depuis quatre mois, Mme Alix voit sur une base régulière Marie-Josée Martin et son chien Yoda. Chaque semaine, le trio fait une sortie de deux heures. « On choisit les activités selon les champs d'intérêt de Mme Alix et nos choix sont souvent liés à ses souvenirs heureux », souligne Mme Martin.
Une visite à l'écurie. Une marche près de la montagne. Un bain de lumière aux abords du lac des Nations.
Le sourire de retour
Les premières fois, Mme Alix oubliait ses rendez-vous. « J'arrivais et elle était couchée. Maintenant, elle se souvient. Elle m'attend toute souriante à sa porte », raconte Marie-Josée Martin.
Mme Alix a toujours eu des chats et a toujours porté une grande affection à l'ensemble « des bêtes à quatre pattes ». « Ma tante a toujours aimé les animaux et les animaux l'ont toujours aimée. Ses sorties avec Yoda et Marie-Josée sont très bénéfiques. Le chien attire plein de monde vers ma tante Jacqueline. Yoda fait le lien avec les gens et les activités. Il lui permet de socialiser avec l'entourage. Elle n'a plus peur de sortir de chez elle. Le chien lui a redonné l'énergie du coeur », résume la nièce.
« L'autre jour, Mme Alix m'a dit : vous m'avez sortie de mon cercueil, Yoda et toi. Elle a ajouté que maintenant, si elle mourait, ce ne serait plus de peine, mais de joie », poursuit Mme Martin.
« Les activités lui ont vraiment donné un élan. Pour mieux profiter de la vie », renchérit la nièce.
Lors de leurs premières sorties, Marie-Josée avait pour défi de remonter le moral de Mme Alix. « Je lui ai souvent répété le dicton suivant : regardez ce que vous avez et non ce que vous n'avez pas. »
Celle qui a travaillé comme traductrice et qui a voyagé autour du monde raconte son histoire sans retenue et avec beaucoup d'humour. De temps à autre, une idée s'envole. À un autre moment, elle répète une anecdote. Mais sinon tout coule et se tient. À propos de son Alzheimer, Mme Alix applique le dicton utilisé si souvent par sa nouvelle amie. « On dirait qu'il n'y a pas de vie complètement parfaite. Moi, je suis en pleine forme. La seule chose que j'ai, ce sont des pertes de mémoire. Pour le reste, tout va bien», témoigne-t-elle tout sourire.
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Une règlementation stricte aux conséquences inquiétantes
À l'aube de la saison hivernale, les proches de Mme Alix s'inquiètent, car les conditions météorologiques ne permettront plus à la dame âgée de sortir aussi souvent avec Marie-Josée Martin et son chien et les Résidences Soleil Manoir du Musée, où elle habite, interdisent l'accès aux animaux. La prescription de zoothérapie octroyée à Mme Alix par son médecin n'y change rien.
« C'est le règlement dans l'ensemble des Résidences Soleil détenues par le Groupe Savoie. Une politique interne qui est appliquée de façon uniforme, sans exception », valide Katarina-Darkise Marcil, directrice marketing et communication du Groupe et représentante de la troisième génération de la famille Savoie.
Marie-Josée Martin, qui fait de la zoothérapie dans des CHSLD de Sherbrooke depuis cinq ans, déplore que les Résidences Soleil ne prévoient pas un local où les animaux seraient permis. « Sinon, je pourrais me rendre à sa chambre. J'aurais juste quelques pas à faire si j'entre par le garage », note-t-elle.
Pas tolérés
Le règlement prévoit que tous les types d'animaux (oiseaux, lézards, chats, chiens) sont interdits dans les 14 Résidences Soleil qui hébergent au total plus de 7000 résidents. Une prescription médicale n'a pas prédominance sur le règlement de l'entreprise privée.
Par ailleurs, des activités de zoothérapie ont déjà été organisées par les responsables en loisirs et les comités de résidents de certains centres, mais ces activités ont toujours eu lieu à l'extérieur.
« On ne tolère aucun animal, notamment à cause du bruit, des poils et des odeurs. C'est un choix que nous avons fait il y a 25 ans, car nous avons, par exemple, des gens qui sont allergiques et la présence d'animaux pourrait entrainer d'autres problèmes. La démarche de la famille de Mme Alix est noble et si nous pouvons aider à trouver une solution qui ferait en sorte qu'elle puisse poursuivre sa zoothérapie à l'extérieur des murs de la résidence en hiver, nous serons heureux de le faire », explique Mme Marcil en fermant la porte à toutes possibilités de changements du règlement relatif aux animaux. Un projet-pilote de zoothérapie n'est pas non plus dans les plans du Groupe Savoie.
Même les chiens Mira ne sont pas tolérés dans les Résidences Soleil.
« On a déjà eu un visiteur qui voulait entrer avec son chien Mira, mais il n'a pas pu, car le règlement est le même pour tout le monde », indique Mme Marcil.
Le directeur des Résidences Soleil Manoir du Musée, Gilles Lavoie, croit aux bienfaits de la zoothérapie, mais respecte la décision de la haute direction d'interdire l'accès aux animaux. « Ils ont évalué la situation et ont jugé que c'était la meilleure décision. Nous avons une clientèle vulnérable dont la santé pourrait être affectée. D'autres de nos résidents ont une peur bleue des animaux, désirent se sentir en sécurité et sont venus chez nous notamment parce qu'ils ne voulaient pas côtoyer d'animaux », résume-t-il.
Pour l'instant, la famille de Mme Alix a pris entente avec Les Petits Frères des Pauvres. Une fois par mois, l'organisme réservera un local pour la zoothérapie de Mme Alix.
Sa nièce, Hélène Roy, espère toujours que le règlement des Résidences Soleil soit modifié pour permettre les séances de zoothérapie à l'intérieur de leurs murs.
« Je sais qu'il y a d'autres résidents qui seraient intéressés. À mon avis, c'est un besoin essentiel pour ma tante », plaide-t-elle.