Jeudi, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a déposé le projet de loi autorisant la vente de vins québécois sur les tablettes des quelque 8000 épiceries de la province. La concrétisation d'une promesse électorale du gouvernement Couillard qui tombe à point pour les producteurs viticoles de l'Estrie.
« Ça va nous ouvrir beaucoup de nouveaux points de vente. On vient d'agrandir considérablement notre marché », affirme Marco Corbin, l'un des propriétaires de la Halte des Pèlerins à Sherbrooke.
Les produits de son vignoble sont déjà présents dans 250 succursales de la SAQ, mais M. Corbin souligne que près de 25 % de ses ventes s'effectuent dans la région immédiate de Sherbrooke.
« C'est dans les six ou sept succursales de la région que nos vins se portent le mieux », confirme-t-il, tout en précisant que 25 % des vins achetés au Québec proviennent des épiceries. « C'est une ouverture considérable pour nous. »
François Scieur, du Cep d'Argent à Magog, souligne lui aussi que l'accès facilité aux produits québécois est une excellente nouvelle.
« Il y a beaucoup de gens qui, le soir, attrapent une bouteille de vin à l'épicerie ou au dépanneur. Maintenant, nous devenons une option supplémentaire, indique-t-il. Concrètement, ça ne change pas beaucoup pour nous, sinon qu'on va planter beaucoup plus de vignes. »
Une image à changer
Tout n'est cependant pas rose, ou rosé. Certains vignerons s'interrogent sur la disposition de la loi prévoyant que les informations relatives au millésime et au cépage devront être absentes des étiquettes des vins québécois.
M. Corbin n'y voit pas un grand enjeu, mais souligne que l'industrie fera inévitablement face à un enjeu de communication pour supprimer le préjugé péjoratif accolé aux « vins d'épicerie ».
« Pour moi, c'est le même vin qui se retrouvera sur les tablettes de la SAQ et sur celles des épiceries. Les consommateurs retrouveront la même qualité dans les deux bouteilles. Ce sera à nous de communiquer ce message efficacement aux consommateurs », évoque-t-il.
Le projet de loi doit encore être débattu en commission parlementaire où le regroupement Le Québec dans nos verres souhaite justement sensibiliser le gouvernement à la question de l'étiquetage afin d'offrir la plus grande transparence possible aux consommateurs, souligne-t-on.
Peu de cas chez les microbrasseurs
Les microbrasseries, également touchées par le dépôt du projet de loi sur la vente de vins en épiceries, font peu de cas des assouplissements aux législations déjà en place dans le milieu brassicole.
Une fois le projet de loi adopté, les microbrasseries détenant un permis artisanal pourront vendre leurs boissons pour emporter à l'aide de cruchons. À Sherbrooke, le Boquébière s'est récemment muni d'un tel type de permis, mais ne compte pas modifier ses façons de faire, surtout si certaines dispositions de la loi actuelle ne sont pas modifiées.
« Actuellement, si on veut vendre nos boissons embouteillées pour emporter, il nous faut une deuxième entrée. Légalement, l'endroit de la vente embouteillée et celui de la vente pour consommation sur place doivent être différents. Je n'ai pas l'intention de faire ça », souligne Martin St-Pierre, propriétaire du Boquébière.
Advenant une modification au règlement, celui-ci se dit prêt à envisager la vente au cruchon si la demande de la clientèle est présente.
« Ici, les gens viennent consommer une bière en regardant un spectacle ou en participant à des activités qui sont organisées dans la microbrasserie. Je pense que ces assouplissements profiteront surtout aux brasseurs qui sont en régions plus éloignées, souligne-t-il. La marge de profit sur les boissons consommées sur place est aussi plus intéressante pour nous que celle des produits pour emporter. »
Des éléments à surveiller
La microbrasserie Moulin 7 d'Asbestos n'est pas directement touchée par ce nouveau projet de loi puisque l'établissement détient un permis de brasseur industriel qui lui permet déjà de vendre ses bières embouteillées. Toutefois, comme le souligne l'un de ses copropriétaires Danick Pellerin, certaines incohérences risquent de survenir.
« Sur le plan des permis, il y a un hic. Un permis de brasseur industriel coûte 3 573 $ par année tandis qu'un permis artisanal est de 357 $. Si on leur donne le droit de vendre leur bière dans des cruchons, la différence entre les deux permis n'est plus la même. Il va falloir réviser les coûts », indique-t-il.
Néanmoins, M. Pellerin estime qu'il s'agit d'une bonne nouvelle pour le milieu brassicole. Il rappelle au passage qu'un permis industriel permet de mieux réguler la conservation du produit à l'intérieur d'une bouteille, ce qui est impossible avec un produit en cruchon.