Samedi, le journal rapportait que le secrétaire d'État suisse aux Affaires étrangères, Yves Rossier, avait été informé « que la sentence a été suspendue » et qu'« une procédure de grâce est en cours auprès du chef de l'État, donc du roi Salmane ben Abdelaziz al-Saoud ».
Si la nouvelle paraît suffisamment crédible pour être accueillie favorablement, on ne veut pas s'emballer trop rapidement chez Amnistie internationale, d'autant plus que les autorités saoudiennes n'ont toujours rien annoncé officiellement à cet effet.
« Les informateurs d'Amnistie internationale tentent de confirmer les informations. La dernière nouvelle que nous avons dans le dossier est venue du ministre des Affaires étrangères saoudien qui avait alors réaffirmé que le cas de Raif était toujours en examen devant le tribunal », explique l'agente de développement régional d'Amnistie internationale en Estrie, Mireille Elchacar.
Ensaf Haidar, la conjointe du blogueur qui réside à Sherbrooke avec leurs trois enfants, demeure aussi prudente en parlant d'une nouvelle qui nourrit l'espoir.
« J'ai vu l'information sur les réseaux sociaux et j'ai tout de suite appelé une amie en Suisse pour en discuter. C'est une belle surprise et j'espère que c'est vrai. J'ai de l'espoir, mais j'ai aussi peur », mentionne-t-elle.
Les craintes que les autorités saoudiennes, généralement imprévisibles, ne fassent volte-face sont bien présentes.
L'incertitude persiste
Si la « procédure de grâce » auprès du roi d'Arabie saoudite venait à se matérialiser, rien ne garantit que Raif Badawi pourra retrouver sa famille à Sherbrooke, prévient Mme Elchacar.
« Même s'il devenait libre en Arabie saoudite, la sentence qu'on lui a imposée l'empêche de voyager. C'est l'une des craintes d'Ensaf. Comme c'est un prisonnier d'opinion, il doit être libéré complètement pour éviter une nouvelle condamnation et que nous soyons en mesure de le rapatrier ici avec sa famille », indique-t-elle.
Les raisons de nourrir l'espoir sont tout de même nombreuses, à commencer par la source de l'information elle-même. La Suisse travaille d'arrache-pied pour la libération de Raif Badawi et le fait qu'un officiel suisse se soit prononcé sur la question est encourageant, évoque Mme Haidar, qui a eu des rencontres avec les autorités de ce pays dans les derniers mois.
« Le gouvernement suisse m'a assuré qu'il travaillait fort pour Raif, mais en privé. C'est la première fois que quelqu'un parle en public de ce sujet là-bas et c'est ce qui m'encourage », note-t-elle.
Raif Badawi, 31 ans, a été condamné en 2014 à dix ans de prison et 1000 coups de fouet par la justice saoudienne. Il avait reçu ses 50 premiers coups de fouet en janvier, mais le châtiment avait été suspendu après une vague de protestations dans le monde.
Le 29 octobre, le blogueur a obtenu le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit décerné par le Parlement européen, qui a alors appelé à sa libération « immédiate ». Mme Haidar s'envolera d'ailleurs le 12 décembre pour Strasbourg afin d'accepter, au nom de son mari, la prestigieuse reconnaissance.