Le surveillant du stationnement

Je suis très reconnaissant envers le surveillant du stationnement de la baie de Victoria, en Afrique du Sud, pour le travail qu'il a accompli.

Chronique / Quand on évoque un voyage en Afrique du Sud, les sourcils se froncent parfois... « Ce n’est pas un peu dangereux? », qu’on me demande. Oui et non. Il arrive qu’on sente parfois des regards insistants, mais les règles de base du voyageur suffisent à nous garder hors de danger dans la plupart des environnements.


On a beau ne pas trop s’en faire, les recommandations de vigilance accrue nous trottent dans la tête à chacune de nos décisions. Dans la ville du Cap, célèbre pour la montagne de la Table, entre autres, les touristes se retrouvent souvent dans le secteur du Waterfront, avec sa grande roue et ses restos un peu branchés.

Je m'y suis rendu à pied, en soirée, alors que les rues étaient complètement désertes. Je n'avais dans les poches que la clé de ma chambre d'hôtel et quelques rands pour payer mon repas. Pas de passeport, pas d'appareil photo, pas de portefeuille. Surtout, pas de sac à dos.

Vrai que j'ai sursauté quand un itinérant, au coin d'une rue, m'a demandé quelques pièces de monnaie. Il n'avait rien de bien menaçant, mais la surprise était totale dans des rues où personne n'osait se balader.

Dans les jours suivants, avec un ami, j'avais loué la plus petite voiture qui soit pour explorer la côte sud du pays. Deux hommes et deux valises de taille moyenne, c'est tout ce qu'il fallait pour remplir complètement l'habitacle.

Autre conseil des guides de voyage : ne laisser monter personne sur le pouce. Le long des autoroutes, partout dans l'ouest du pays, les habitants des townships, ces ghettos qui rappellent les favelas du Brésil, s'agglutinent et tendent le pouce à la recherche d'un transport. À certains endroits, des panneaux de signalisation rappellent que cette pratique est interdite. Ils sont quand même nombreux, au pied des pancartes, à faire fi de cette consigne.

Pour nous, la question ne se posait même pas. Pas de place.

Puis, dans les endroits un peu plus touristiques, comme à la plage de Boulder, chaque stationnement peut compter sur son surveillant. On immobilise la voiture et ledit surveillant nous salue, s'assurant qu'on a bien noté sa présence.

<p>Mon premier contact avec un surveillant de stationnement est survenu à la plage de Boulders, où j'allais voir les petits pingouins d'Afrique du Sud.</p>

Mon premier contact avec un surveillant de stationnement est survenu à la plage de Boulders, où j'allais voir les petits pingouins d'Afrique du Sud.

(La Tribune, Jonathan Custeau/La Tribune, Jonathan Custeau)

La plage de Boulder, c'est presque un attrape-touriste. Presque, parce qu'elle est reconnue pour ses dizaines de petits pingouins qui se prélassent sur la berge. Presque, parce qu'il faut payer pour accéder à certaines sections, comme si les animaux se limitaient à un endroit pour éviter qu'on les observe gratuitement. Foutaise.

Nous n'avons pas payé pour descendre à la section touristique de la plage, ce qui ne nous a pas empêchés de côtoyer les petits volatiles.

De retour au stationnement, le surveillant ne nous lâchait pas des yeux... Il nous saluait même à nouveau avec insistance. « Tu crois qu'il s'attend à ce qu'on lui donne de l'argent? » que j'ai demandé à mon ami.

Bah! C'est probablement un peddler qui escroque les touristes, que nous nous sommes dit.

Deux jours plus tard, l'histoire s'est répétée dans la baie de Victoria, une des nombreuses plages qui se trouvaient sur notre route. Pour dire vrai, les plages sont des endroits privilégiés pour subtiliser quelques objets de valeur, puisque toutes les voitures appartiennent à des touristes.

Nous étions partis depuis quelques jours déjà et, ne me laissez pas tomber dans les stéréotypes, mais deux hommes voyageant dans une même voiture, ce n'est pas toujours synonyme d'ordre. Disons que nous n'avions pas le réflexe de tout remettre à sa place au fur et à mesure, si bien que tous nos avoirs s'éparpillaient à l'arrière.

Pour débarquer sur la plage, nous n'avions évidemment pas emporté tous nos objets de valeur, que nous avions tout de même été assez brillants pour camoufler dans le véhicule. Après une heure au soleil, nous sommes retournés au stationnement, toujours avec le surveillant insistant qui nous suivait.

Celui-là ne faisait pas trop de cachettes. « J'ai surveillé la voiture. Rien n'est arrivé. J'ai surveillé la voiture. »

Mon compagnon un peu grognon rechignait toujours à lui refiler quelques rands. Pour dire vrai, je me donne le beau rôle, mais j'étais assez de son avis... jusqu'à ce que nous découvrions que les portières n'avaient pas été verrouillées. Passeports, appareils électroniques, tout était encore à sa place.

« Vous pouvez vérifier, rien n'a disparu », a insisté le surveillant, tout à coup devenu un très bon ami. C'est là que nous avons réalisé qu'en Afrique du Sud, le rôle du surveillant est primordial.

Mon acolyte s'est tout à coup senti l'âme généreuse et a contribué d'un généreux pourboire à notre bienfaiteur. Après avoir pris place dans la voiture, il est même sorti une deuxième fois pour ajouter quelques billets.

On s'en tirait plutôt bien dans les circonstances. Pour la petite histoire, j'ai décrété que c'était son rôle à lui de penser à verrouiller les portières... pour la prochaine fois.

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