Les guides de voyage nous recommandent aussi des communes, des petites villes calmes dont personne n'a jamais entendu parler... sauf les millions de lecteurs qui achètent ou louent ces bouquins chaque année. Pendant que des chapitres complets sont consacrés aux capitales, aux métropoles et à leurs attractions, les plus petites agglomérations ne jouissent parfois que d'un paragraphe court comme ça, ou même d'une unique mention en caractère gras du type : « Sur la route entre A et B, il est possible que vous croisiez C. »
Pauvre C.
Ça reste bien humain de se dire que sur deux semaines de vacances, où on passera huit jours à A et cinq jours à B, il ne restera pas beaucoup de temps pour donner sa chance à C, ne serait-ce que le temps d'une pause pour acheter un sac d'arachides.
Pourtant, pourtant, pourtant, c'est souvent là qu'on se coulera les deux pieds dans le béton et qu'on refusera de bouger. Ma théorie, c'est qu'on y déterre toujours que de l'inattendu. Quand on vous décrit en deux phrases, c'est certain qu'on ne vous rend pas justice.
Ma première vraie expérience du genre est survenue à Franz Josef, en Nouvelle-Zélande. C'est précisément le genre d'endroit où on dit qu'il n'y a rien à faire, sinon que de partir en expédition sur un glacier qui promet de disparaître en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « changements climatiques ».
L'autobus nous dépose là, on réserve tout de suite notre expédition avant de planifier de partir. Sauf que... Alors que je voyais l'autobus s'éloigner, on m'annonçait qu'il n'était pas possible de monter sur le glacier, « ni aujourd'hui ni demain ».
Franz Josef peut accueillir quelque 2000 touristes chaque jour, mais à peine plus de 300 personnes y vivent. Les musées, monuments ou boutiques y sont inexistants. Pas certain qu'on puisse y trouver un café, même, pour se poser et regarder le temps passer.
En attendant d'enfiler mes crampons et de jouer les aventuriers dans la glace, j'ai exploré la forêt et me suis attardé sur les rochers happés par l'eau froide d'une rivière qui prend sa source au pied du glacier. Il y avait ce courant intense, ces pierres bien lisses grugées par un flot qui semble s'accélérer avec le temps. Et personne d'autre pour témoigner d'une telle beauté.
J'ai vu le ciel virer au rose; le soleil se mettre au lit sans nuages pour se couvrir. J'ai vu le soleil tomber en même temps que la noirceur au son hypnotisant des vagues qui psalmodiaient une espèce de berceuse.
J'ai aimé Franz Josef avant même de voir le glacier qui, pourtant, procurait la seule mention à l'endroit dans mon bouquin de bourlingueur.
Le même genre de cachet m'a enlacé d'une longue étreinte à Wilderness, en Afrique du Sud. Déjà, le nom poétique annonce le calme et l'abandon. Il y a la plage, une autoroute longeant la côte et un village dans la nature sud-africaine.
Wilderness, c'était une auberge dont on ne voulait plus sortir, avec une énorme table à manger où tout le monde mangeait en communauté. Il y avait le petit pavillon lounge, sans mur, pour les activités sociales, et un tas de coins silencieux pour chatouiller le silence.
On pouvait agripper un kayak, marcher une centaine de mètres et explorer une rivière. On pouvait prendre un vélo et parcourir les routes désertes de la campagne environnante, ou laisser quelqu'un d'autre faire tout le travail en se promenant à dos de cheval.
Bien que l'Afrique du Sud recèle d'endroits sauvages tous plus magnifiques les uns que les autres, l'inattendu de Wilderness m'a complètement séduit.
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