Chronique|

À la bonne étoile

Sao Paulo

Un de mes trucs favoris pour économiser en voyage est de passer la nuit complète à me déplacer d'un endroit à un autre. Les trains offrent l'option des compartiments avec couchettes ou, en classe inférieure, des bancs qui n'ont même pas le siège inclinable.


Dans les autobus, les possibilités sont encore plus nombreuses, allant du banc rigide, pratiquement de plastique, qui ne bougera pas d'un poil, au fauteuil tellement confortable qu'il permet à peu près de s'étendre de tout son long. Quand on manque de veine, le répartiteur nous place complètement à l'arrière, là où les sièges ne sont assurément pas mobiles et où la moindre bosse nous fait sauter bien haut dans les airs.

Quoique ce soit aussi le cas quand on est assis dans les bancs tout en avant comme ce fut le cas dans mon voyage au Pérou. Accompagné de deux amis, je parcourais la route entre Arequipa et Cusco aux premières loges, au deuxième étage du véhicule. Pour me donner un peu d'espace, j'avais desserré la ceinture de sécurité. Notre chauffeur avait un je-ne-sais-quoi d'un casse-cou et il zigzaguait abondamment. Chaque fois que j'ouvrais les yeux, nous nous trouvions dans la voie de gauche et deux énormes phares se dirigeaient droit sur nous.

C'est en levant de notre siège, après une bonne bosse, que mes deux compagnons et moi avons interrompu notre sommeil et, tous les trois, avons resserré fermement notre ceinture.

Ceci dit, parcourir de grandes distances la nuit permet d'économiser sur l'hébergement et de gagner du temps. De jour, il est vrai qu'on pourrait apprécier davantage les paysages particuliers du pays qu'on explore. Mais tout ce temps peut parfois être beaucoup plus utile pour grimper une montagne, visiter un musée ou se perdre sur une plage complètement déserte.

Le principal inconvénient au transport de nuit est généralement l'heure d'arrivée, au petit matin, qui ne nous permet pas toujours de nous inscrire à l'hôtel que nous avons réservé. Si l'objectif consiste à économiser sur une nuit d'hébergement, il n'apparaît pas logique de réserver une chambre pour cette nuit-là simplement pour avoir un endroit où s'allonger après le trajet.

Alors quoi? Alors on choisit un hôtel avec une réception ouverte 24 heures et on lui confie nos bagages en attendant d'avoir accès à la chambre.

C'est techniquement ce qui devait se produire quand je suis parti de la petite ville de Paraty, au Brésil, vers Sao Paulo. L'autobus s'est immobilisé au terminus vers 4 h du matin, bien plus tôt que je ne l'espérais. En voyant les autres voyageurs descendre, j'ai compris que nous étions en avance.

J'ai pris le premier métro de la matinée, pour lequel plusieurs Brésiliens attendaient déjà en file, et je me suis dirigé vers mon auberge.

Le ciel était encore complètement obscurci. Les réverbères éclairaient les fêtards qui rentraient un peu bourrés ou ceux qui poursuivaient leurs célébrations directement dans la rue. À travers la faune nocturne, je déambulais, mon gros sac sur le dos, pour réaliser que mon auberge se trouvait dans une ruelle un peu plus sombre.

Arrivé à destination, je me suis buté à une grille fermée. Mon utilisation exagérée de la sonnette n'a pas permis qu'on vienne m'ouvrir. Je me suis donc résigné, à 5 h du matin, à camper devant la grille de l'auberge, dans une ruelle peu passante, toujours dans le noir le plus complet. Assis sur mon sac à dos, je remettais toute ma confiance dans le hasard, ne sachant pas s'il était dangereux de traîner là. Qu'est-ce que j'aurais pu faire de toute façon?

Une dizaine de minutes plus tard, une voiture s'est immobilisée à ma hauteur. À ma grande surprise, une jeune femme m'a interpellé par mon nom. Elle, que j'avais croisée quelques jours plus tôt à Rio de Janeiro, rentrait d'une nuit blanche en ville. Elle, elle avait réservé une chambre juste là.

Le karma, c'est de tomber sur quelqu'un qui vous connaît et qui vous laisse entrer dans votre auberge quand vous vous êtes résigné à passer le reste de la nuit dehors. À la réception, nous avons trouvé l'employé de nuit profondément endormi. Même le son répété de la sonnette ne venait pas à bout de son sommeil... Au point où j'en étais, je l'ai laissé dormir.

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