L'histoire du Saoudien a été rappelée : de la création de son site web Free Saudi Liberals jusqu'à sa condamnation à dix ans de prison (auxquels s'additionnent par la suite dix ans sans quitter le pays), 1000 coups de fouet, ainsi qu'une amende de plus de 300 000 $.
En revenant sur sa vie en Arabie saoudite, Mme Haidar a affirmé que son mari ne croyait pas risquer une telle peine en tenant le site, « parce que tout son discours était respectueux. Il ne disait rien contre la religion ni le gouvernement, contrairement à ce qu'on affirme », a-t-elle dit. « Il n'a dépassé aucune limite posée par l'État. »
L'objectif ultime est de faire libérer Raif. Mais à court terme, c'est de lui éviter d'autres coups de fouet qui pourraient s'avérer mortels qui est le plus pressant. La suspension de ceux-ci a été annoncée la semaine dernière, après qu'un comité formé de huit médecins ait déclaré que sa tension artérielle était trop élevée, ce qui ne veut pas dire hors de tout doute que Raif Badawi ne recevra pas les coups de fouet prévus. « Avant de se rendre au site de la flagellation, les prisonniers doivent rencontrer le docteur de la prison pour qu'il évalue s'ils sont en assez bon état pour recevoir leur sentence. En ce moment, ce qu'on sait concernant les coups de fouet suspendus pour une durée indéterminée, c'est un comité de médecins qui a suggéré ça, mais les autorités peuvent aller de l'avant quand même », a souligné Mireille Elchacar.
Un boycott?
Sur le plateau de l'émission, les nombreux appuis à Raif Badawi provenant de partout à travers le monde ont été rappelés, qu'ils proviennent de pays, d'organismes de défense des droits de la personne ou encore de ce groupe de 18 lauréats de prix Nobel qui ont demandé sa libération dans une lettre ouverte.
Le député de Marie-Victorin et candidat à la chefferie du Parti québécois, Bernard Drainville, était sur le plateau au moment du passage de Mme Haidar et Mme Elchacar. Il a plaidé pour un boycott de l'Arabie saoudite par le gouvernement, décriant le « régime moyenâgeux » de ce pays et son financement de l'islamisme radical. Il a toutefois précisé ne pas vouloir nuire au cas de Raif Badawi avec ce boycott.
Mireille Elchacar a rapidement répliqué à M. Drainville. « Amnistie internationale ne demande pas le boycott comme moyen d'action, parce qu'on se retrouve avec une population prise en otage », a-t-elle dit, suggérant plutôt l'envoi de lettres parmi plusieurs moyens d'action.
Elle voit le communiqué dénonçant la situation émis par le ministre canadien des Affaires étrangères John Baird comme un signe encourageant, démontrant des démarches davantage diplomatiques, « ce dont on a besoin dans ce cas ».
Lettre de Tirad
Moment particulièrement émouvant dans l'émission d'hier soir : la diffusion d'une lettre de Tirad, le jeune fils de Raif Badawi, qu'il a écrite pour son père. Derrière la narration, on pouvait apercevoir le garçon et ses soeurs Miryiam et Najwa en train de discuter. « Mes soeurs et moi, on se demandait en secret comment on pourrait te faire sortir de prison. Miryiam a dit qu'elle irait en Arabie saoudite, qu'elle briserait la prison et frapperait les gardiens pour que papa sorte de là. Il faut que papa revienne à la maison. Nous attendons le jour où ton avion arrivera à l'aéroport de Montréal. Tu me verras qui t'attends et qui pleure, et je n'arrêterai pas avant que tu me prennes dans tes bras et que tu sèches mes larmes », peut-on entendre le garçon dire.
Bien à Sherbrooke
Malgré les moments extrêmement éprouvants que vit la famille, Ensaf Haidar affirme être bien installée à Sherbrooke. Elle a tenu à remercier l'Ambassade du Canada, qui a été la première à accepter sa demande d'asile, ainsi que les employés du Service d'aide aux Néo-Canadiens de Sherbrooke.
Lors de l'émission enregistrée jeudi, Mme Haidar affirme avoir parlé à son mari pour la dernière fois il y a trois jours. Elle peut lui parler par téléphone durant de courtes autorisations. « Il est au courant de l'ampleur de la campagne » qui est menée pour sa libération, soutient-elle.
Le segment de l'émission s'est conclu par un mot sur la campagne « Je suis Charlie », reprise par plusieurs sous la forme « Je suis Raif ». « Les deux sujets portent sur la liberté d'opinion et d'expression, les deux sujets sont identiques. Donc celui qui dit «Je suis Charlie» c'est comme celui qui dit «Je suis Raif», c'est la même chose », a affirmé Mme Haidar.
On peut d'ailleurs visiter l'adresse jesuisraif.ca pour appuyer la campagne d'Amnistie internationale.