Ces jours-ci, même si les journées s’achèvent à Hong Kong quand elles commencent ici, j’ai une forte envie d’ouvrir mon parapluie. Les parapluies, qui ont donné le nom à une «révolution», servent là-bas à se protéger des gaz lacrymogènes.Pour la petite histoire, les Hongkongais protestent contre le gouvernement de Pékin qui veut leur imposer les candidats aux élections de 2017. Ils souhaiteraient un vrai suffrage universel, comme on leur avait promis lors de la rétrocession de Hong Kong à la Chine. La jeunesse neutralise le quartier des ministères en espérant changer les choses. La semaine dernière, des violences ont éclaté dans le quartier de Mongkok...
Ces jours-ci, je me sens terriblement proche de Hong Kong. Une amie, rencontrée en Allemagne en 2010, y a grandi et y vit toujours. Violoncelliste accomplie, elle m'avait entretenu de musique pendant un moment. Nous nous étions promis de garder contact.
Deux ans plus tard, alors que le Québec vivait son printemps Érable, je la visitais dans Causeway Bay et Tsim Sha Tsui à Hong Kong. Pleine de fierté, elle m'a trimballé du quartier des affaires aux temples où elle s'arrête pour prier, en passant par les bazars d'appareils électroniques et les meilleurs restaurants de dim sum.
Étrangement, je lui avais demandé comment elle entrevoyait l'avenir. C'est qu'il me fallait un visa pour franchir la frontière avec la Chine continentale, alors qu'on ne m'avait rien demandé à mon arrivée à Hong Kong. C'est qu'il me faudrait un logiciel pour contourner la censure d'internet en Chine, mais qu'il était facile d'accéder à Facebook et Google à Hong Kong.
Elle m'avait répondu que Hong Kong et la Chine se rejoindraient probablement quelque part entre les désirs de liberté des uns et le contrôle exercé par les autres. Elle croyait aux concessions de part et d'autre.
Aujourd'hui, pour moi, le visage de la révolution des parapluies, c'est elle. «Je prie pour un miracle», m'a-t-elle confié ce week-end alors que je prenais des nouvelles.
Dans les rues de Hong Kong, on raconte que ceux qui ont mis la pagaille dans les manifestations ont été engagés par le gouvernement chinois. La population craint les méthodes violentes pour contenir les protestataires.
Mon amie, elle, songe déjà à émigrer. Mais il lui faudra beaucoup d'argent pour y parvenir.
En attendant, elle est trop effrayée pour participer aux manifestations. «J'ai peur qu'ils utilisent des fusils. Tout est tellement imprévisible. Certains se sont rendus aux manifestations en sachant qu'ils risquaient d'être arrêtés... ou tués.»
Selon elle, d'ici 20 ou 30 ans, les Hongkongais auront assurément perdu une certaine liberté de parole. «Nous deviendrons simplement une autre ville chinoise.»
De Hong Kong, cette amie a vu les journalistes internationaux déserter la Chine. Elle les voit quitter Hong Kong peu à peu...
«Nous nous battons pour les générations futures. Si nous ne menons pas le combat, nos enfants vivront comme dans une grande cage rouge aux couleurs du communisme.»
Ces jours-ci, cette jeune Hongkongaise continue de se rendre à son travail au quartier des ministères pour travailler. De son propre aveu, elle arrive souvent au bureau en pleurant.
Quand les révolutions ont des visages, le monde est tout à coup plus petit. Les pays deviennent bien plus que des noms sur une mappemonde.
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