Certains vous diront que les hommes n’aiment pas demander leur chemin quand ils réalisent que la direction empruntée ne coïncide pas avec celle espérée. D’autres prétexteront qu’il ne s’agit que d’un chemin différent pour arriver au même point. Quelle que soit l’excuse privilégiée, à l’étranger, quand on ne connaît pas la langue pour demander sa route, on fait semblant de savoir où on va. Il n’y a pas de proie plus facile qu’un touriste égaré.Vrai que l’exploration est plus agréable quand on ne sait pas où on va, une fois les premières angoisses passées. Mais il reste que de savoir qu’on n’est pas perdu tout seul au milieu de nulle part, parfois, ça n’a pas de prix. Comme, disons, à Macao quand la nuit se donne pour mission de tomber plus vite que nos pas qui ne vont nulle part.
C'est exotique Macao. Un héritage portugais, un petit bout de terre chinois pas si chinois que ça qui s'explore bien rapidement : une escapade d'une journée qui me faisait envie. Macao, c'est aussi le Las Vegas de l'Asie : des casinos, encore des casinos, et des luminaires criards qui ne donnent pas envie de dépenser tant que ça.
J'ai réservé mon aventure à Macao à partir de Hong Kong. En bateau rapide, il faut mettre une heure pour atteindre l'autre territoire, après avoir passé les douanes, bien sûr. C'est ça qu'il y a de bien quand on fait l'aller-retour... On accumule tout plein de tampons dans le passeport en une journée et on a l'impression qu'on a voyagé beaucoup.
La première façon d'éviter de perdre ses repères à Macao, c'est de prendre une navette gratuite qui nous amène directement à un des nombreux temples de la perdition. Là, on peut perdre bien plus que ses repères et son chemin... Mais au moins, on a un point de départ.
Parmi les activités en vogue, réaliser un saut à l'élastique d'une des tours situées dans le port, respirer du smog et jouer aux machines à sous ne m'intéressaient pas. J'ai bien été obligé de me contenter de la qualité de l'air qu'on m'offrait, mais j'ai choisi de marcher pour explorer la petite colline charmante par ici et quelques parcs par là.
Ce qu'il y a de bien aussi à Macao, c'est qu'on se sent en banlieue de la Chine, littéralement. Les rues sont plus paisibles et les quartiers sont relativement propres. Les rues sont jolies, quoique bordées par des immeubles au nombre incalculable d'étages.
Et c'est bien là le défi, quand on s'égare momentanément, d'essayer de retrouver son chemin. C'est que l'horizon ne peut être aperçu nulle part et que les édifices à logements d'un millier d'étages se ressemblent tous. Il faut aussi compter sur la signalisation approximative et la planification urbaine toute en courbes sans fin pour nous déboussoler.
J'ai tendance à bien m'orienter avec les cours d'eau, la topographie et les repères visuels. Mais à Macao, il ne faut pas utiliser son sens de l'orientation comme on le ferait n'importe où. Vous cherchez le parc A? Sur la carte, il semble être sur la droite. La signalisation vous envoie pourtant à gauche. Vous partez donc logiquement à droite pour finalement réaliser, une heure plus tard, que vous êtes trop à l'ouest, même si vous êtes parti à l'est. C'est que les rues tournent subtilement, sans avertissement, et nous envoient directement au diable vauvert.
En faisant à ma tête, je n'ai jamais trouvé un des parcs que je cherchais. La nuit tombait lentement et le temps commençait à presser pour que je puisse utiliser mon billet de retour vers Hong Kong. Je n'avais pourtant aucune idée d'où je me trouvais.
Les tours grises devenaient oppressantes dans un décor sans trop de lumières qui rappelait les films sombres et futuristes. L'idée bien saugrenue de grimper sur une passerelle pour tenter d'apercevoir les millions de petits globes des casinos n'a pas rapporté les résultats escomptés. Niet. Pas une seule lueur. Juste des milliers d'étages sur des bâtiments gris.
Me vint l'envie de m'asseoir pour me bercer sur mes talons tout en suçant mon pouce, ce qui, je dois l'avouer, n'aurait rien résolu à la situation. J'ai donc marché sans boussole pour réaliser que je me dirigeais non seulement dans la mauvaise direction, mais qu'il me faudrait traverser presque tout Macao pour rattraper le bateau qui devait me ramener à Hong Kong. Ne me restait qu'à me cramponner à mes semelles.
J'ai trouvé la rue la plus droite que j'ai pu... On ne me ferait pas le coup des courbes deux fois. Et j'ai marché le plus vite possible sans m'arrêter pendant au moins une heure. Le doute a surgi, mais a été vaincu. Je n'ai jamais été aussi heureux de voir la lumière des casinos de toute ma vie.
Finalement, je m'en suis sorti en me disant que c'est presque toujours enrichissant de s'égarer dans une ville qu'on ne connaît pas. Presque!
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