J’aurais dû y penser deux fois quand, dans l’autobus qui roulait du Cambodge vers la Thaïlande, j’ai voulu faire une blague. Avec l’inconnue assise à mes côtés, je discutais soins de santé. Au Cambodge, quand votre état nécessite des soins majeurs, il est possible qu’on vous expatrie vers la nation voisine.« Même là », que je disais à l’autre passagère. Les hôpitaux de la Thaïlande, quoique je ne les aie pas vus, ne m’inspiraient déjà pas la plus grande confiance. Nenni, qu’elle m’a répondu. Ils sont reconnus pour leur propreté et pour la qualité des soins...
« Il faudrait peut-être que je les visite dans ce cas-là », ai-je répondu...
Bravo le clown! BRA-VO! J'aurais dû la boucler!
Quelques jours plus tard, une infection cutanée s'est pointée au premier de trois jours d'un trek dans la forêt de Chiang Mai, au nord de la Thaïlande. À première vue, rien pour écrire à sa mère. Quelque chose qui guérirait probablement par soi-même en quelques jours.
Mais voilà, dans la jungle humide thaïlandaise, tout n'est pas si simple. Ne guérit pas qui veut. Sans eau courante, sans salle de bain digne de ce nom, sous une chaleur accablante, ma situation empirait. Au deuxième jour, après une nuit sur un matelas à l'odeur de moisissure, sur un plancher de bambou, ma main droite faisait deux fois la taille de ma main gauche. Au troisième jour, la fièvre me faisait grelotter malgré les 35 degrés au soleil levant. Je ne parle même pas du facteur humidex.
Du fond des bois, j'ai insisté pour qu'on m'évacue vers l'hôpital le plus près. Mais il faudrait marcher pendant quelques heures avant de pouvoir monter dans une voiture. Entre-temps, une autre voyageuse s'est portée volontaire pour m'accompagner jusqu'à la salle d'urgence.
On s'imagine qu'il ne nous faudra qu'une bonne prescription pour retrouver son état normal. On s'inquiète quand même un peu de penser à des aiguilles non stérilisées et à des instruments d'examens rouillés. Tsé, le folklore! Quand les préjugés prennent le dessus...
Toujours est-il que la voiture qui devait me mener à l'hôpital s'est mise à toussoter. Il n'en fallait pas plus pour qu'elle s'immobilise au milieu d'une route de terre, toujours dans cette même forêt de Chiang Mai. Panne sèche. Il faudrait pousser.
C'est ainsi qu'en route vers l'hôpital, j'ai mis toutes mes forces sur le capot pour dégager une carriole qu'on avait oublié de remplir d'essence. Ne manquait que la petite pluie qui commençait à tomber. Dans tout le ridicule de la situation, il ne restait qu'à éclater de rire...
J'ai moins ri au moment de m'inscrire pour obtenir des soins. L'hôpital, très propre, avec des murs et des planchers immaculés, était rempli de touristes qui attendaient un verdict. Si, pour nous, le prix à payer semble dérisoire, les Thaïlandais, eux, n'ont pas nécessairement les moyens d'espérer voir un docteur dans un endroit pareil.
Le système de santé à deux vitesses, dans un endroit pareil, profite immanquablement aux Blancs, qu'on ne laissera pas patienter. Aussitôt qu'on se montre ne serait-ce que le gras d'une oreille, on nous réserve une salle où les infirmières sont aux petits soins.
J'ai moins ri, que je disais, particulièrement quand on m'a annoncé qu'on évaluerait la pertinence... d'une chirurgie. Oupelaye! Nenon! Pas de chirurgie! Pas là, dans une grande-petite ville du nord de la Thaïlande.
Dites Docteur, les médicaments, ce sera suffisant, non? La panique n'a duré qu'une minute. Le gars en sarrau, il m'a balancé des antibiotiques et m'a renvoyé d'où je venais, sans négliger de m'indiquer de passer à la caisse.
Au final, ma copine de transport, au Cambodge, elle avait bien raison. Les hôpitaux thaïlandais, du moins ceux où l'on envoie les touristes, n'ont rien à envier à ceux que nous fréquentons ici.
N'empêche, vaut mieux les éviter.
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