Ainsi ai-je opté pour la paresse quand est venu le temps de décrocher mon permis de conduire. J’irais pour la transmission automatique. J’ai bien fait quelques tentatives de changement de vitesse sur une voiture manuelle, pour comprendre le principe, mais je me suis rallié à la simplicité.
Le problème, c'est qu'on ne choisit pas toujours la voiture qu'on conduira quand on décide d'en louer une dans un pays lointain. Aux grands maux les grands moyens, je me débrouillerais si j'étais forcé de sortir de ma zone de confort. Après tout, il n'y a rien de bien sorcier dans une pédale d'embrayage.
Ainsi me suis-je retrouvé dans la ville du Cap, en Afrique du Sud, avec la ferme intention d'explorer les zones naturelles du pays. Tout le monde vous le dira, l'Afrique du Sud, ça se parcourt en voiture. Le train, le bateau, l'autobus, c'est faire compliqué quand on peut faire simple. C'est sans compter la liberté immense qu'on retrouve derrière le volant pour rallier des lieux célèbres comme la plage de Boulder, avec ses milliers de pingouins, et le cap de Bonne-Espérance, le point le plus au sud-ouest du continent.
J'avais laissé le soin de louer la voiture à mon compagnon de voyage, qui dispose de toutes sortes d'astuces pour obtenir des rabais. C'était oublier qu'en bon européen, il avait l'habitude de la conduite manuelle. C'est en réalité à peu près tout ce qu'il connaît.
La rutilante Chevrolet grande comme une boîte de chaussures, le modèle le moins dispendieux sur le marché de la location, nous attendait dans le stationnement de l'aéroport, le bras de vitesse bien au neutre. J'ai tendu les clés à mon ami. « Sors-nous d'ici», que je lui ai dit.
Du même souffle, je lui annonçais qu'il deviendrait mon instructeur. Deux semaines, des milliers de kilomètres à parcourir... Ce serait plus équitable de partager le temps derrière le volant.
Au jour deux, je me suis installé sur le siège du conducteur... à la droite de la voiture. Vrai, il y avait cette réalité aussi. Il fallait mettre en veilleuse nos habitudes, penser à rouler dans la voie de gauche et changer de vitesse avec la main gauche. Les clignotants, eux, étaient activés avec la main droite.
Nous nous trouvions dans le village d'Hermanus, sur la côte sud du pays. À la sortie de notre auberge, où nous étions les seuls clients, nous avions droit à des terrains vagues et des rues désertes. Parfait pour étouffer un moteur sans s'attirer des regards moqueurs.
Je me suis rendu jusqu'à la grand-route, de peine et de misère, en tentant de convaincre mon cerveau de coordonner les mains et les pieds tout en restant du bon côté de la route. Là, je me suis garé et ai passé le volant. Il y a des limites à mettre la vie des autres en danger.
J'ai finalement trouvé l'endroit idéal pour poursuivre les leçons. Dans les chemins de terre du petit parc national de Bontebok, où la limite de vitesse est fixée à 30 kilomètres/heure, il n'y avait que les gazelles pour m'observer. Elles broutaient dans l'ombre d'une montagne, en toile de fond, ne se souciant pas le moins du monde de mes capacités à ébranler notre voiture.
Il n'en fallait pas plus pour que je devienne (presque) un champion de la conduite manuelle, dans la voix de gauche s'il vous plaît. À moi la route sud-africaine.
S'il y en a qui se targueront d'avoir effectué leur premier saut à l'élastique à partir d'un pont en Nouvelle-Zélande, d'autres qui auront expérimenté le deltaplane à flanc de montagne près de favelas de Rio de Janeiro, moi, j'ai maîtrisé les rudiments de la conduite manuelle dans un parc national de l'Afrique du Sud. Les aventures, elles sont aussi dans les petites choses...
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