:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/LM7UKCHV3JCEZMQO2SHFOPTAFI.jpg)
Du moins, pour moi, c’est ce que le choc culturel évoquait : un traumatisme. Je me le représentais comme un coup de masse en plein front, comme un état qui m’empêcherait de fonctionner. J’imaginais que c’était comme perdre tous ses repères, comme si on était parachuté sur une tout autre planète.
Vrai que l'internet a peut-être permis de niveler les différences. Vrai aussi qu'il est toujours plus facile de s'informer sur la vie d'ailleurs. C'est peut-être la raison expliquant que j'attende toujours mon premier choc majeur.
Il y a peut-être une question de personnalité aussi, de persévérance ou de résilience, qui fait que tous ne réagiront pas de la même manière. En Inde, l'hiver dernier, j'ai croisé une Française qui n'en pouvait plus. Elle avait atterri là quatre jours plus tôt. Elle rêvait de rentrer à la maison. Négocier, se faire tripoter, la difficulté de communication, elle détestait.
Pour ma part, je n'ai jamais songé une seule seconde à quitter un pays en raison des différences auxquelles je devais m'adapter.
Le premier choc, s'il en est un, m'est venu de la Chine, pays immensément peuplé. Dans une mer humaine en constant mouvement, il est parfois difficile de s'arrêter, d'analyser et de comprendre. La vague nous pousse en avant et il faut deviner où elle nous portera. Culturellement, les Chinois ont horreur de se tromper. Quand ils ne connaissent pas la réponse à une question, du moins celle d'un touriste, ils inventeront une réponse. Danger! À profusion la confusion!
Il y a bien sûr la nourriture, aussi, qui suscite à coup sûr la surprise. Si on s'imagine être obligé de goûter toutes sortes de bestioles qu'on n'aurait jamais pensé manger, on s'en sort généralement assez bien en commandant du poulet. On en trouvera presque partout. Parfois en entier, avec les os, la tête ou les pattes.
Il reste que les plus aventureux pourront opter pour du serpent, des scorpions ou se surprendront de goûter à de la méduse. Ou encore, comme dans un petit café improvisé de Phnom Penh, pourront-ils écaler les sauterelles dans un grand bol au centre de la table comme on écale ici les arachides dans les pubs sportifs.
L'hygiène? Vous parlez des douches à même le seau d'eau, la toilette turque ou la propreté des outils de cuisine? En Inde, on verra les vaches se promener librement dans les rues en terre où sont empilés, à même le sol, les légumes du marché. On verra aussi des femmes pétrir le pain à même le béton d'un quai qu'elle aura préalablement saupoudré de farine.
Il y a aussi ces endroits où le bruit du silence ne dira rien à personne. Entendre siffler le vent, ou même le son de sa propre pensée, est un exploit rarement réalisé dans des villes immenses comme Pékin. Là, quand un bruit nous importune, vaut mieux le couvrir par un autre.
J'ai dû prendre habitude, au Vietnam, de traverser la rue entre les motocyclettes en mouvement. On marche doucement, on garde le cap, et on entend siffler les moteurs à quelques centimètres devant et derrière. Les chiens, les vaches, les porcs, ils font comme nous. Ils traversent sans se soucier qu'on pourrait les estropier. Et ils occupent l'espace, parfois jusqu'à vouloir partager votre assiette.
Il est toutefois très rare qu'on n'arrive pas à s'adapter. On aura mal aux os après une nuit sur un lit fait de planches de bois en Chine, mal au ventre après avoir ingéré un tas d'épices inhabituelles en Thaïlande ou mal au coeur de voir un cochon d'Inde dans son assiette au Pérou, mais on s'en remettra.
Pour dire vrai, le choc, pour moi, n'est jamais vraiment venu des atteintes à mon confort. Le sort des enfants, forcés de mendier, le sort des femmes, qui n'ont pas même le droit de parler, parfois, ont davantage testé ma tolérance. Difficile de détourner le regard devant l'exploitation sexuelle en Thaïlande, devant la fatalité des mariages forcés en Inde.
Ce sont ces combats-là, qu'il reste encore à mener, qui m'ont donné envie de crier...
Suivez mes aventures au www.montourduglobe.com