Pour ou contre les incontournables?

Avant de m’embarquer pour une première épopée, je rêvais des monuments historiques qu’on voyait sur les cartes postales. Partir ne signifiait pas rencontrer des gens ou découvrir une culture. Partir, c’était pouvoir me planter au pied de la Tour Eiffel, respirer un grand coup le vent qui l’enveloppe, scruter les passants qui la contournent sans la voir tellement ils en ont l’habitude.


<p>La Grande Muraille de Chine</p>

La Grande Muraille de Chine

(La Nouvelle, Jonathan Custeau/La Nouvelle, Jonathan Custeau)

J’avais donc choisi la France, ajoutant sur la liste à cocher les Arc de Triomphe et château de Versailles. Par-dessus le marché, il fallait entrer la Sagrada Familia dans l’horaire, à Barcelone. Et pourquoi pas le colisée à Rome et la place Saint-Marc de Venise?

Encore aujourd'hui, je peine à planifier un voyage sans y intégrer les lieux qui font la marque de commerce d'un pays. Peut-on vraiment se vanter d'avoir vu le Brésil sans s'être arrêté au Corcovado pour voir la statue du Christ rédempteur? Peut-on atterrir en Égypte et éluder les pyramides? Peut-on parcourir la Chine sans avoir marché sur sa muraille?

La réponse à toutes ces questions est oui. Oui, parce qu'on voyage trop souvent avec comme seul objectif de ramener une pile de jolies photos à la maison. Parce qu'on peut très bien trouver des illustrations du Taj Mahal et de Stonehenge partout sur l'internet sans avoir besoin de lever le petit doigt. Et que plusieurs de ces sites sont au final bien décevants.

Quand l'objectif n'est que de cocher une panoplie de lieux célèbres sur une liste, les sites «incontournables» ne sont forcément pas appréciés à leur juste valeur. Et rappelez-moi pourquoi on parcourt des milliers de kilomètres pour trois secondes passées devant le Manneken Pis, à Bruxelles.

Il y a l'histoire, bien sûr, et tous ces endroits qui fascinent pour leur raison d'être. Le problème, c'est qu'il faut souvent composer avec des milliers d'autres touristes qui ont tous la même envie que nous. Enfin presque.

J'étais haut comme ça quand j'ai annoncé la première fois que j'irais voir le Taj Mahal. Il y a quelques semaines, après l'interminable attente en ligne, la sécurité un peu sévère et quelques centaines de pas sous la semelle, je l'ai vu se dresser là, devant moi.

La félicité ne dure qu'une seconde. Deux si on ne nous marche pas sur le gros orteil d'emblée. Après, il y a ces coups de coude dans les côtes, ces inconnus qui se posent devant la lentille de la caméra, ces autres qui nous talonnent ou nous poussent pour nous faire avancer.

Quand on veut s'arrêter, contempler, s'imaginer toute l'histoire qui a planté là un mausolée blanc immaculé, on se surprend à voir ses pensées se mêler à la cacophonie ambiante.

Bien sûr, puisqu'on est là, on s'entassera comme des sardines pour pénétrer à l'intérieur, pour être aussitôt propulsé par la porte de sortie, achalandage oblige. On aura volé quelques coups d'oeil sur les sépultures avant de soupirer de devoir quitter l'enceinte.

On attendra des heures pour grimper dans les tours de Notre-Dame à Paris ou pour accéder à la Tour Eiffel. On devra réserver longtemps d'avance pour obtenir son billet de train qui mène au sommet de Corcovado. On patiente, on patiente, pour quelques minutes qui se retrouvent rarement au sommet du palmarès des moments inoubliables.

Autrement

Mais une partie de moi me dit qu'il faut ce qu'il faut. Que pour sentir l'âme des lieux, si la qualité des photos nous importe peu, on arrive toujours à fuir la foule et à trouver des entourloupettes.

La muraille de Chine est très populaire dans le secteur de Badaling. On peut plutôt choisir Mutianyu ou Jinshanglin et explorer sans trop de contraintes.

Au Cambodge, le célèbre Angkor Wat est particulièrement prisé au lever du soleil. Il faut s'y entasser très tôt pour avoir une bonne place. Les plus patients, qui attendront une heure ou deux après l'arrivée du jour, profiteront du site sans être trop dérangés, un temps mort avant que des autobus de touristes se présentent.

Et au Pain de sucre, au Brésil, on peut grimper à pied la première de deux montagnes. On apprécie le panorama, on s'évite la file d'attente pour le téléphérique... et on arrive plus vite.

Je suis de ceux qui aiment mélanger les découvertes spontanées à l'exploration des sites incontournables. Parce que. Pour dire que. Mais j'essaie de trouver de nouvelles façons de battre les foules.

Suivez mes aventures au www.montourduglobe.com