Quand on a une peur bleue de voler et que l’on cède à ces craintes tout le contrôle de nos déplacements, on ne va jamais bien loin. Et tout ce qu’on retiendra des voyages dans les airs sera le nombre de catastrophes survenues dans la dernière décennie. On arrivera presque à nommer les jours et les heures auxquels elles sont survenues.
J'étais de ceux-là. L'écrasement de Peggy's Cove, où un avion de Swissair s'était abîmé en 1998, m'était resté bien en mémoire lors de mon premier vol transatlantique, huit ans plus tard. C'est sans compter le vol d'Egypt Air qui s'était abruptement interrompu au large de New York l'année suivante, l'explosion d'un Concorde en 2000 et les attentats du 11-septembre 2001.
La peur de voler était donc bien naturelle. Une fois à l'intérieur du fuselage, quand les portes sont bien fermées, les passagers ne contrôlent plus grand-chose. Quand, à des milliers de mètres d'altitude, on regarde tout en bas, il n'y a qu'à faire confiance que la mécanique tiendra et que le pilote nous mènera à bon port.
Mon premier vol transatlantique reliait Washington DC à Paris. Pour mon baptême de l'air sur longue distance, je n'ai pas très bien dormi. Les turbulences, particulièrement intenses, me tenaient bien occupé à espérer que tout se termine bien. Une de mes voisines, une Française qui volait régulièrement pour visiter son fils aux États-Unis, m'a à un certain moment confié craindre de ne pas revoir sa France. Dès lors, j'ai compris que les secousses étaient bien inhabituelles. Rien pour me rassurer.
Je suis arrivé sain et sauf à l'aéroport Charles de Gaulle, me répétant sans cesse qu'il me faudrait bien remonter dans un avion pour rentrer chez moi. Il s'agit là du prix à payer quand on veut explorer d'autres parties du monde.
Mon coeur s'est un peu arrêté de battre aussi quand un Boeing d'Air France a disparu alors qu'il quittait Rio de Janeiro en 2009 en direction de Paris. À la télévision, on montrait la cellule de crise à Charles de Gaulle, là où j'étais passé déjà quelques fois. Tout à coup ça devenait vrai. Ces victimes étaient plus que des chiffres dans un bilan. Elles étaient des voyageurs comme moi qui n'attendaient ni plus ni moins que de rentrer à la maison ou de découvrir un nouveau pays.
En moins de dix ans, j'ai pris plus d'une soixantaine de vols. Une centaine peut-être. Je n'ai pas compté. Assez souvent, à tout le moins, pour ne plus porter attention aux consignes de sécurité que les agents de bord nous rappellent avant le décollage. Bla, bla, bla, masque d'oxygène. Bla, bla, bla, veste de flottaison. Bla, bla, bla, la sortie de secours la plus près pourrait se trouver derrière vous.
Ces consignes ne m'ont à ce jour jamais été utiles. Je touche du bois et je croise les doigts. J'en suis même venu à croire mes amis ingénieurs qui s'efforcent de me convaincre que l'avion est plus sécuritaire que la voiture. Une fois calé dans mon siège, aussi inconfortable soit-il, je dors sur mes deux oreilles. Tant que les hôtesses de l'air demeurent calmes, il n'y a rien à craindre, dit-on...
Les accidents sont appelés accidents pour une raison : on ne peut jamais les prévenir complètement. Si j'ai fait confiance aux grandes compagnies, comme British Airways, Qantas ou Swiss, j'ai aussi tenté ma chance avec les Wizz, Spring Airlines et Edelweiss Air, dont je n'avais jamais entendu parler. À titre de précaution, je m'étais au moins assuré qu'elles ne figuraient pas sur la liste noire des compagnies aériennes.
Et on aura beau craindre les attentats terroristes, les mesures de sécurité qui nous importunent et nous forcent à ne transporter que 100 ml de liquide dans notre bagage à main semblent généralement faire le travail. Alors que je reprochais ses mains un peu trop baladeuses à un agent de sécurité de Schipol, Amsterdam, j'ai réalisé quelques minutes plus tard qu'il avait intercepté un passager suspect. Il ne s'agissait au final que d'un exercice de contrôle pour évaluer les agents de sécurité, mais j'ai été rassuré de constater que ceux-là savaient faire leur travail.
Ce n'est pas sans me rappeler, aussi, une querelle entre une passagère et une agente de sécurité, à l'aéroport international JFK à New York. Quand la passagère s'était engagée pour monter dans l'avion, l'agente s'était lancée à ses trousses. Assez pour alimenter la paranoïa. Il ne semble toutefois pas y avoir eu de conséquences fâcheuses.
La disparition du Boeing de Malaysia Airlines met en évidence que personne n'est à l'abri d'un accident. Il me rappelle aussi que des milliers d'avions se posent chaque jour sans défrayer la manchette. La malchance de ces 239 personnes touche une fibre particulièrement sensible en moi, ce qui ne m'empêchera pas de repartir dès que j'en aurai l'occasion.
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