La gentillesse des Japonais

Près du dôme de Genbaku, à Hiroshima, des femmes racontent bénévolement les événements du 6 août 1945.

Certains partent pour se changer les idées, pour décrocher, pour ne penser à rien. D’autres se donnent la mission de visiter tous les sites patrimoniaux ou les monuments qui apparaissent immanquablement sur les cartes postales. Et il y a ceux qui vont à la rencontre des peuples, qui vont à Rome pour vivre comme les Romains.


Si les Français et les Allemands ont parfois la réputation de manquer un brin d’hospitalité, à tort ou à raison, les Japonais se situent immanquablement à l’autre bout du spectre. Accueillants, sympathiques et particulièrement serviables, ils valent à eux seuls un détour au pays du Soleil-Levant.À moins d’avoir déjà visité le Japon, vous aurez sans doute besoin d’aide dès votre arrivée à l’aéroport. Savoir naviguer dans un métro, ailleurs dans le monde, ne sera d’aucun secours dans le transport en commun japonais si vous n’arrivez pas à vous procurer un billet dans les guichets automatisés.

À l'aéroport d'Osaka, un homme m'a poliment fait comprendre que je ne comprenais rien avant de m'enseigner le fonctionnement dudit guichet. Il m'a ensuite conduit jusqu'à l'intérieur d'un wagon avant de m'indiquer très clairement à quelle station je devrais descendre.

Une heure plus tard, quand les portes se sont ouvertes sur cette station, mon air perdu m'a à nouveau tordu le visage. Une dame en tailleur qui attendait son train m'a à son tour pris par la main et entraîné à travers la gare pour m'installer dans le wagon approprié, quelques quais plus loin. Celle-là, elle m'a pointé sur la carte du métro le nom de la station où il me fallait descendre.

Toujours dans les rues d'Osaka, alors que je cherchais mon auberge de jeunesse tout en tentant de comprendre la façon dont les adresses sont rédigées au Japon, un jeune homme m'a demandé où j'allais. Sur son téléphone cellulaire, il a trouvé exactement l'emplacement de ma destination. À son tour, il s'est assuré que je me rendais au bon endroit en m'y accompagnant.

Alors que je sonnais pour qu'on me laisse entrer dans l'auberge, le Japonais a ajouté: «J'espère que tu n'es pas en retard.» Point d'exclamation. C'est lui qui avait abandonné ses activités pour faire gagner quelques minutes à un pauvre touriste et c'est lui qui s'inquiétait pour mon horaire...

À Hiroshima, près du dôme de Genbaku, un bâtiment qui tient toujours même s'il a été soufflé par la bombe atomique, des femmes abordent les touristes. Avec toute la paranoïa qui guide le voyageur découvrant l'Asie, je me méfiais des approches amicales. Elles visent souvent à nous soutirer de l'argent.

Mais pas à Hiroshima. La dame en question étudiait l'anglais, n'aurait touché pour rien au monde le moindre yen que je lui aurais tendu. Pour pratiquer sa nouvelle langue, elle détaille les événements du 6 août 1945 à qui veut bien l'écouter. On aura beau avoir lu l'Histoire avec un grand H dans tous les livres du monde, rien n'est plus instructif que de se la faire raconter là où elle a réellement eu cours.

La Japonaise répétait les «you understand» régulièrement, craignant que sa prononciation nuise à ma compréhension. Et parce que j'avais accepté de l'écouter, elle m'a fait cadeau d'un oiseau en origami avant de me dire au revoir.

Les exemples se sont multipliés pendant mes trois semaines au Japon. J'ai été particulièrement impressionné à Himeji, où, pour me rendre à mon gîte, je n'avais pour seule directive que de «marcher pendant 45 minutes à partir de la gare». Un peu trop vague à mon goût!

J'ai hélé un taxi et remis le problème en même temps que l'adresse entre les mains du chauffeur. Il était près de 22 h quand il s'est engagé dans une ruelle sombre, puis s'est immobilisé en admettant ne pas savoir où il allait. Il a alors sonné à une maison au hasard, d'où une femme est sortie pour lui donner quelques directives. Devant son air pantois, elle a accepté de grimper dans le taxi pour nous conduire à bon port. En début de nuit. Simplement pour aider un étranger.

Et que dire du propriétaire du ryokan où je dormais ce soir-là. Le lendemain, je quittais déjà Himeji. Il m'a serré dans ses bras comme si nous avions fait vie commune pendant des semaines. Alors que je m'éloignais, il demeurait sur le pas de sa porte en m'envoyant la main. Il n'a pas quitté sa position avant que je ne disparaisse au coin de la rue.

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