J’ai beau frôler la quarantaine de pays au compteur, je ne retiens toujours pas, d’une fois à l’autre, que je préfère le charme des petites villes moins touristiques. J’aime voir les gens, leur parler, faire partie de leur quotidien. Ça me change des temples, des musées, des circuits qui nous mènent un peu toujours aux mêmes endroits plus ou moins mémorables.J’ai passé quatre, cinq, six heures dans le bus, je ne sais plus. Un bus très local, où on se fout éperdument qu’un siège nous ait été attribué et où on s’assoit n’importe où. Un bus qui s’arrête pour tout et pour rien, au milieu de nulle part, et qui nous fait toujours angoisser de peur de rater notre arrêt. Parce qu’il faut deviner où descendre. Surtout quand il n’y a pas de vraie gare ou de station officielle dans la ville où on arrive.
J'ai galéré un peu dans le rickshaw qui devait me mener à mon hôtel. Dans les rues étroites de Bundi, il s'est retrouvé coincé au milieu des célébrations d'un mariage. La musique à tue-tête, le cortège déambulait avec des gros luminaires et occupait largement les rues assombries par la nuit.
Je n'étais pas certain que j'aimerais. Juste comme ça. Parce que c'est un endroit plutôt petit. Parce que la première impression m'a laissé un peu perplexe.
Pourtant, un vieillard rencontré là, à l'hôtel, visite l'Inde depuis 30 ans. Il a la retraite bien avancée, ça se sent. Chaque fois, il revient vers Bundi. Ce jour-là, il y entamait sa troisième semaine. Dieu seul sait combien de temps il prévoyait rester. Mais il considère l'endroit comme sa nouvelle maison.
C'est en me promenant dans la rue que j'ai compris pourquoi on veut absolument se poser là. J'ai marché, souri aux gens, leur ai dit bonjour et ai obtenu le même bonjour en retour. Et puis? Et puis rien! Personne ne me demandait mon nom, mon pays d'origine, mon âge... Surtout, personne n'insistait pour que je dépense le plus rapidement possible dans son magasin.
Bundi, dans le Rajasthan, c'est ce que j'ai trouvé de plus coquet. La population, charmante, semble véritablement heureuse d'accueillir les touristes. Elle sourit. Les enfants accourent pour dire salut et s'en retournent aussitôt.
Dans la vieille partie de la ville, où le palais d'un maharaja sans descendant est laissé pratiquement à l'abandon, sur une falaise, on renouvelle l'expérience d'une visite dans un site touristique. Les plus téméraires s'armeront d'un bâton et continueront l'ascension jusqu'au fort, plus haut, qui se transforme en ruines jour après jour.
Le bâton, bien qu'utile pour la montée sur un chemin de pierre que la végétation s'affaire à grignoter, sert à effrayer les singes, redevenus propriétaires des lieux.
On entre dans le fort par une fenêtre laissée entrouverte... dans une grande porte massive. Là, c'est pratiquement le silence. Étonnant que personne, ou presque, n'y grimpe. Dans un pays où le bruit enterre le bruit, écouter le vent siffler est un luxe qu'on peut s'offrir dans les hauteurs de Bundi. On s'assoit, là, sur les murs du fort, et on peut regarder le temps passer sans être dérangé. Ça fait changement.
Il reste bien ces rythmes effrénés, ces klaxons, cette surabondance d'activité près des marchés. Il y a encore les vaches dans les rues, les porcs qui bouffent de tout partout. Mais on trouve une personnalité qui se palpe, se sent de l'intérieur, qu'on ne trouve pas dans les grandes villes comme Delhi et Jaipur.
On s'arrête dans un café, on discute avec un Indien et on découvre qu'il tient un commerce, un peu plus loin. Il préfère échanger toute la journée plutôt que de faire des affaires. Pas par paresse, mais parce qu'il aime les gens. Parce qu'il est fier de raconter sa ville. Et parce qu'il a compris que la vente à pression ne fonctionne pas.
Autant que faire se peut, dans la cohue, on se sent un peu chez soi. C'est pour ça que les touristes ne veulent plus quitter Bundi. Le seul risque, c'est que le secret bien gardé se répande et que Bundi perde un peu de son caractère au fur et à mesure qu'elle gagnera en popularité.
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