Les cerfs-volants de Jaipur

Pendant le Festival des cerfs-volants, le ciel se couvre de petits points colorés qui s'agitent au gré du vent. Impossible de capturer l'ampleur du phénomène dans une photo qui vaille.

L’histoire a commencé à mon arrivée à Jaipur, capitale du Rajasthan en Inde, une grande ville comme beaucoup d’autres qui a de particulier d’être entourée, en son centre, par un mur rose. En sortant de la gare, le chauffeur de rickshaw qui m’attendait m’entraîne vers son véhicule et m’interroge sur la durée de mon séjour.


Pas de bol! Ou peut-être que si. Des deux jours passés dans la grande ville, il faudra coincer les épisodes de shopping dans la première moitié. C’est que tout sera fermé à cause du festival, m’indique le chauffeur. Festival? Le Festival des cerfs-volants, qu’il répond. Le 14 janvier!Moi qui trouvais bien jolis et naïfs ces cerfs-volants qui semblaient constituer un passe-temps du quotidien indien, je réalise que tous s’entraînaient pour le grand jour. Que le vol plané n’est peut-être pas aussi naïf que je le croyais.

Ledit chauffeur ne perd pas de temps et m'invite à célébrer l'événement chez lui. Je n'y manquerais pas.

Déjà, la veille en fin de journée, les habitants se mettaient dans l'ambiance. Une heure ou deux avant le coucher du soleil, en rentrant du boulot, ils font voler leurs oiseaux de papier. Le ciel se couvre de petits points colorés qui s'agitent au gré du vent. Impossible de capturer l'ampleur du phénomène dans une photo qui vaille.

Au marché central, les étals sont remplis de cerfs-volants. Le va-et-vient est incessant. On les achète par dizaines, parce qu'on sait très bien que la majorité tombera au combat. Certains emmènent leurs enfants choisir le motif qui ornera leur cerf-volant. Ils côtoient des hommes adultes au sourire radieux après qu'ils se soient procuré le même genre d'objet.

Très tôt le lendemain, la fête est lancée. Partout sur les toits, qui sont ici un étage comme tous les autres, les familles sont rassemblées. Le soleil s'est à peine pointé que le ciel d'un bleu lumineux se couvre de centaines de cerfs-volants. La musique criarde s'invite aussi en un rien de temps.

Un coup de fil au chauffeur de rickshaw plus tard, je me retrouve sur le toit d'une maison de quartier, à l'extérieur du secteur touristique. Là, les édifices de béton s'entassent les uns sur les autres. La famille et les amis sont tous rassemblés, partagent le thé chai en attendant leur tour pour occuper le ciel. Les voisins font tous de même. Ce n'est pas un temps à rester à l'intérieur.

Les enfants, nombreux, hésitent entre l'enthousiasme de participer à la fête et la curiosité provoquée par l'arrivée d'un homme blanc dans une mer d'Indiens. Ils succombent pour la seconde option.

Et voilà qu'il faut puiser dans ses souvenirs pour savoir comment faire voler la chose. Aussitôt la main posée sur le fil de pêche, aussitôt le truc pique du nez. Mon nouvel ami accourt pour sauver la mise. Parce qu'une fois le cerf-volant tombé, il est presque impossible de le récupérer. C'est que la compétition est féroce. Si un de ces machins tombe sur votre toit, il est tout à fait légal de couper le fil et de mettre en action votre nouvelle acquisition.

Une fois le principe maîtrisé, il fallait les entendre, ces jeunes hommes, crier comme on le ferait à une partie de hockey, simplement parce que le cerf-volant atteint une altitude démesurée. Et s'il faut en plus, avec son simple fil qui tourbillonne, arriver à couper le fil d'un autre, c'est la célébration.

J'ai provoqué quatre écrasements chez les planeurs voisins. Joie puissance quatre. Mais mon fil s'est à son tour brisé, plongeant mon losange de papier dans une lente agonie, sans pilote ni direction.

Prenant la chose très au sérieux, la plupart des Indiens terminent la journée avec des pansements aux doigts, à force de se couper avec le fil à pêche. Mais ça ne les empêche pas de sourire.

Même une fois la noirceur tombée, les cerfs-volants emplissent le ciel.

D'autres allumeront des lanternes qu'ils laisseront s'envoler, ou lanceront des feux d'artifice du toit de leur maison.

Et en souvenir de cette célébration mémorable, les arbres et les fils électriques seront couverts de cerfs-volants perdus pendant plusieurs jours.

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