Ceci dit, après une marche de quatre jours dans les Andes au Pérou, à tomber endormi tant dans les trains que les autobus malgré la beauté des paysages qui défilaient de l’autre côté des fenêtres, il était temps de m’arrêter un brin.Je me suis donc laissé porter par les recommandations d’autres voyageurs en éludant la petite ville de Puno, au Pérou, pour me diriger vers Copacabana, à une dizaine de minutes en autobus de l’autre côté de la frontière bolivienne.
À la limite entre les deux pays, les touristes, dans la vingtaine, jeune trentaine tout au plus, s'alignent pour recevoir la permission d'entrée. Visiblement, ceux qu'on affuble du titre de backpackers ont tous le même profil, suivent tous la même route.
Tous remontent dans le bus, le tampon bien imprimé dans le passeport, seulement pour mieux en redescendre deux instants plus tard. Copacabana, à première vue, est minuscule. Sur la place centrale, les Boliviens regardent le temps passer, s'amusent au son de la musique.
Sur la grande artère qui descend vers le lac Titicaca, on tente d'attirer les visiteurs dans des restaurants, des agences de voyage de fortune, des hôtels qui ont tous été entassés pour plaire aux étrangers.
La plupart, dont je suis, s'embarquent éventuellement sur une navette aquatique qui mène à l'île du Soleil (Isla del Sol). Les uns choisiront la traversée aller-retour, le temps d'un café sur la plage, question de pouvoir dire qu'ils ont navigué les eaux du Titicaca. Parce qu'il faut l'avouer, un nom comme ça, ça se glisse bien dans une conversation.
Les autres, dont je suis encore, passeront la nuit sur l'île. Sans internet. Ouh! Une vraie occasion de décrocher, de s'enivrer du bruit des vagues, d'un silence relatif, et d'un ciel sans trop de pollution lumineuse.
D'emblée, on recommande de réduire autant que possible l'attirail qui sera transporté sur l'île. Parce que les escaliers. Parce que les efforts. Bah! Nous, on a grimpé les Andes avec une demi-remorque sur le dos, qu'on se dit. Ce ne sont pas trois ou quatre marches qui nous feront peur.
Regret. Dès la sortie du bateau, une fois la taxe de bienvenue acquittée (elles sont partout ces foutues taxes en Bolivie), nous n'avons d'autre choix que de grimper. Les établissements hôteliers, ils sont situés tout en haut, et le chemin gruge tout ce qu'il reste d'énergie au visiteur qui compte y passer la nuit.
On nous indique alors qu'il n'y a pas d'eau courante sur l'île. Que toute l'eau est transportée dans les hauteurs, potentiellement à dos d'âne. Parce que pas de voitures sur l'île. Il faudra donc tirer la chasse à la bonne franquette, avec un seau bien rempli d'eau. Et pour la douche, un petit coup de froid fera l'affaire.
N'empêche, dans le calme quasi absolu de l'île, où jappent librement les chiens et où le plus dangereux trafic gambade à quatre pattes, il n'y a d'autres choses à faire que de se promener. On oublie le temps. On aperçoit le lac à tout moment. Et on se laisse emporter sur une route inca qui traverse du nord au sud, ou vice versa. Çà et là gisent des ruines qui n'ont rien à voir avec celles du Machu Picchu.
Surtout, surtout, il y a ce meilleur restaurant du monde, dans les plus hautes hauteurs de l'île, à la sortie d'une forêt. Non seulement s'agit-il du meilleur endroit pour voir le soleil se coucher sur le Pérou et la Bolivie à la fois, mais aussi y sert-on une nourriture qui fait mentir la mauvaise réputation du pays en matière de gastronomie.
Las vellas, qui signifie «les chandelles», est tenu par son seul propriétaire qui, sans électricité, prépare tous les repas lui-même. Pizzas, poissons, filets mignons, cuits au four à bois, sont servis à la simple lueur d'une chandelle. À mettre absolument sur sa bucket list.
Décrocher au bout du monde, c'est un peu ça aussi.
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