Curiosité en zone sismique

Il ne subsistait que bien peu d'espoir de sauver la cathédrale, véritable symbole de Christchurch.

Les actualités internationales prennent un tout autre sens quand on a fait siens des dizaines de pays du monde. Elles inquiètent parfois, aussi, quand le départ se fait imminent. Parce qu'on a marché ces rues. Parce qu'on a vu ces visages. Parce qu'on a connu ces gens.


Bien sûr, il y a eu toutes ces inquiétudes avant mon départ pour la Turquie. Les manifestations violentes, les gaz lacrymogènes... rien pour rassurer le touriste peinard.

Mais il y avait aussi cette collègue de la télé qui, le jour où Fukushima a changé de visage pour toujours, où un tsunami a défiguré une partie du Japon, a partagé toute la douleur d'un peuple. Le Japon, pour y être allée, elle l'aime d'amour.

Moi, j'avais envie de Nouvelle-Zélande. Je voulais voir les repaires des hobbits, grimper le mont Doom, marcher dans les traces de Frodon quelque part à un jet de pierre de Milford Sound. Ou pas vraiment. J'espérais la nature, le calme, le panorama qui font la renommée du pays.

Mais voilà que, mon billet d'avion bien en poche, j'apprends qu'un tremblement de terre a secoué l'île du sud pour une deuxième fois en moins d'un an. Christchurch, déjà amochée par les premières secousses, s'effondre lentement. Sa cathédrale, véritable symbole de la ville, menace de se défaire en mille miettes. Les Néo-Zélandais ont mal à leur pays...

Dans la même foulée, l'aéroport est fermé. Il tient toujours, mais on craint que les pistes soient endommagées... Le touriste en moi se remet en question.

J'ai finalement traversé la Nouvelle-Zélande du nord au sud, comme prévu. Ma dernière escale m'amènerait à Christchurch, relativement près de l'épicentre. Là, il n'y avait bien sûr pas d'endroit où loger à des kilomètres à la ronde d'un centre-ville dévasté.

À ma sortie du train, le taxi m'a déposé à mon auberge après 30 minutes d'une route qui ne laissait rien transpirer d'une destruction pourtant très étendue. Les maisons de banlieue, coquettes, restaient bien droites. Il faut dire que le chauffeur y allait probablement au plus court, traversant les zones où la circulation ne risquait pas d'être entravée.

Le lendemain, je me suis aventuré au centre-ville. Une zone de guerre. Des rues entières barricadées par souci de sécurité. Des pans de mur entiers qui gisent au sol, dévoilant les entrailles d'édifices éventrés.

Les images que les Céline Galipeau et Pierre Bruneau avaient présentées à la télé québécoise, la veille de Noël, ces ruines tout droit sorties de décors hollywoodiens, elles étaient là devant mes yeux. Elles étaient la réalité de toute une ville qui tentait de se relever.

Au musée Canterbury, on diffusait les images des caméras de surveillance qui filmaient au moment du séisme. Ces rues que je parcourais, ces tas de pierres, je les voyais dans leur état d'origine. Je constatais la panique, réelle, de ceux qui sentaient le sol se dérober sous leurs pieds.

Le centre-ville de Christchurch ne serait jamais plus le même. Les commerces, pour reprendre un semblant de vie normale, prenaient désormais place dans des conteneurs aménagés au goût du jour. Quelques conteneurs empilés prenaient la forme d'un restaurant avec terrasse. D'autres, réduits à leur plus simple expression, faisaient figure de dépanneur.

Surtout, par une brèche contrôlée dans les barrières de sécurité, on permettait aux curieux de s'approcher de la fameuse cathédrale. À l'entrée du passage aménagé, un avertissement ne laissait aucun doute quant aux dangers de succomber à la curiosité: de nouveaux caprices des plaques tectoniques pouvaient être fatals pour ceux qui se trouvaient dans la zone rouge.

Les Néo-Zélandais profitaient de l'occasion pour s'approcher de leur cathédrale, plaidaient pour sa sauvegarde. Les observateurs étrangers, dubitatifs, voyaient bien qu'il n'y aurait rien à faire. Pour détendre l'atmosphère, on pouvait toujours s'amuser de ces touristes qui, moins impressionnés par une église en ruines, demeuraient interdits devant un restaurant McDonald's qui n'avait pas su résister...

Deux semaines plus tard, le centre-ville a été de nouveau condamné. Il semble qu'il soit toujours impossible de s'y aventurer. Trop dangereux! J'ai en quelque sorte été privilégié... et probablement un peu téméraire.

Récemment, une cathédrale de carton a été inaugurée à Christchurch. Entretemps, le sol continue de trembler en Nouvelle-Zélande. Une portion de route s'est effondrée à Wellington, dans la capitale. Je reconnais ces lieux où j'ai marché sans m'inquiéter et qui ont fini par plier, casser... Et comme ma collègue de la télé pour le Japon, j'ai mal un peu avec les Néo-Zélandais qui tentent de se relever.

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