En attendant de voir le monde

Autant j'ai horreur des travaux de réaménagement qui s'éternisent près de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, autant je passerais outre ces petits désagréments n'importe quand si on m'offrait deux billets pour nulle part. Ou ailleurs. Toujours. Parce qu'à force de prendre l'avion, j'ai perdu la peur de voler. Et gagné le goût d'explorer.


Je me veux un brin bourlingueur. Je pars, j'explore, et je reviens pour mieux repartir. Dans ces quelques lignes, à travers les semaines, j'illustrerai mon monde à moi. Celui que je n'aurai jamais fini d'explorer. Celui fait des terres étrangères qui me font sourire plus qu'elles m'effraient. Celui où je deviens l'étranger plus souvent qu'à mon tour, perdu dans une mer d'individus qui ne parlent pas ma langue, où je deviens minorité visible en raison de la couleur de ma peau.

Les plus malins auront tôt fait de fouiner dans le dictionnaire. De me remettre sur le nez qu'au sens propre, le bourlingueur est un marin. Et moi, l'eau, savez... Mais au figuré, on peut dire que j'aime naviguer. Et à défaut de pouvoir vous embarquer vous-même dans le prochain paquebot pour le Sud, l'Europe ou l'Antarctique, j'espère vous faire décoller avec mes mots.

Pour la petite histoire, je me suis posé dans plus d'États que j'ai d'années de vie. 35 à ce jour. Bientôt plus. Mais ce ne sera jamais assez.

D'accord, j'ai bien triché un tant soit peu. L'an dernier, j'ai mis les voiles. Parti. Pouf! Disparu dans le trafic pour six mois d'une longue épopée. J'ai enregistré au compteur une vingtaine de nations, sur quatre continents. Non content, j'en ai ajouté un cinquième dans les derniers mois et je réfléchis au meilleur moment de conquérir celui qu'il me manque.

J'ai bouclé les bagages comme le budget, condensé ma vie dans 65 litres de sac à dos, et j'ai usé mes semelles à en avoir mal aux pieds. En six mois, j'ai pris 28 avions, me suis établi un temps dans 72 villes, ai pris plus de 16 000 photos. Parce que pas envie d'empiler les tunes pour me payer un chalet à la retraite. Pas envie d'attendre la retraite, point. Parce que je ne veux pas connaître le monde parce qu'on me l'a raconté. Je veux le voir, le humer, l'expérimenter. Et le rencontrer, pourquoi pas!

Parce que ce monde-là, pour moi, il ne tient pas dans une chaise, un bureau et un ordinateur qui prennent vie de 9 à 5. Parce que demain est incertain et qu'aujourd'hui compte plus qu'hier. Parce qu'ils sont nombreux à partir pour nulle part avant d'avoir vraiment vécu...

J'ai vu les palmiers comme les sapins, les temples bouddhistes comme les mosquées, les singes, les éléphants, comme les coatis et les damans. J'ai appris quelques mots de mandarin, de japonais, de polonais et d'allemand sans jamais saisir la bonne prononciation. La langue me fourche déjà à essayer de me rappeler.

Je sais pourtant que je n'ai rien vu. Que les cartes mémoires toutes plus remplies les unes que les autres ne sont que les vestiges de moments qui ne reviendront pas. Qu'il faut saisir pendant qu'ils passent et regretter juste assez pour avoir envie de repartir. J'ai parfois la nostalgie de moments qui ne sont pas encore là, j'aime d'avance ces destinations et ces gens qui ignorent encore qu'ils croiseront ma route.

Je suis un rêveur, un voyageur, un bourlingueur. Et semaine après semaine, nous bouclerons nos bagages ensemble sans que ça ne coûte un sou. Nous partirons ou nous demanderons comment partir. Mais attention, l'envie de voyager est un virus contagieux... Un lecteur averti en vaut dix...

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