Certains ont proposé de taire l'identité des tueurs de masse. De ne pas divulguer dans les médias ni le nom, ni la photo, ni le message de ceux qui désirent sortir de l'anonymat ou passer à l'histoire en commettant des actes aussi horribles que ceux qui se sont produits à Aurora vendredi dernier, en Norvège l'année dernière, à Columbine en 1999 et, plus près de chez nous, au Collège Dawson en 2006 ou à la Polytechnique en 1989.
À La Tribune et dans la plupart des médias, une politique similaire est adoptée en ce qui a trait aux suicides. La prévention du suicide est abordée, mais lorsqu'un individu s'enlève la vie, aucune information n'est divulguée à ce sujet.
« Dans le cas du suicide, plusieurs études ont démontré l'effet de mimétisme. La preuve est faite que la médiatisation d'un suicide incite certains à passer à l'acte.
Dans le cas des tueries, aucune étude à ma connaissance n'a démontré de relation de cause à effet », explique l'auteur d'Éthique et déontologie du journalisme, Marc-François Bernier.
Mais les choses peuvent changer comme l'explique M. Bernier en rappelant que les journalistes n'ont pas toujours eu cette sensibilité en ce qui a trait au suicide. « De 1960 à environ 1985, on traitait des suicides dans les médias, on n'avait pas cette pudeur. Mais les études ont fait changer les mentalités. Ce sera peut-être le cas un jour avec les tueries. »
Dans le guide de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, il n'y a aucune directive précise à cet égard. « Le guide traite indirectement de ces aspects en parlant du respect de la dignité humaine. On dit qu'on ne doit pas exploiter la misère et le côté macabre et ne pas tomber dans le sensationnalisme «, explique celui qui est aussi professeur agrégé à l'Université d'Ottawa.
M. Bernier revient à la règle de base : est-ce d'intérêt public?
« Lorsque Dédé Fortin s'est suicidé, on n'a pas eu le choix d'en parler puisque c'était une personnalité publique. Une tuerie dans un lieu public, c'est d'intérêt public. »
« Par contre l'identité du tueur peut être pertinente pour quelqu'un qui demeure à Aurora où dans les environs. Mais pour nous au Québec, est-ce pertinent? Les médias doivent se poser la question sur la place réservée à ces drames. La manchette n'a souvent pas de lien avec son importance, mais sa capacité de vendre des copies. Des milliers de gens meurent de la famine chaque jour sans faire la une », ajoute-t-il.
« Mais peut-être n'est-il pas pertinent de parler du passé des tueurs de masse, car cela tend à rendre son histoire plus romantique et romanesque. »
« Je crois qu'on doit parler de ces drames, mais il faut faire attention à comment on le fait «, conclut M. Bernier.